Lettres
mon amour,
N’oublie pas que dès que tu auras terminé ta fresque, nous nous rejoindrons pour toujours , sans disputes d’aucune sorte, juste pour nous aimer beaucoup.
Sois sage et suis les conseils d’Emmy Lou.
Je t’adore plus que jamais. Ta petite
Frida
(Écris-moi.)
Lettre à Sigmund Firestone (100)
San Francisco, 9 décembre 1940
Cher Sigy,
Ta lettre et ton télégramme ont été mes plus beaux cadeaux de mariage. Tu n’imagines pas combien Diego et moi te sommes reconnaissants de ta gentillesse. Il t’envoie un million de mercis et ses meilleurs vœux. Avec les mesures exactes du tableau, il va pouvoir commencer très bientôt son autoportrait et nous serons tous les deux côte à côte sur ton mur, comme un symbole de notre remariage. Je suis très heureuse et fière que tu aies aimé mon portrait, il n’est pas beau, mais je l’ai réalisé pour toi avec grand plaisir.
Je suis ravie, Sigy, qu’Alberta soit avec toi. Comme ça, tu ne te sentiras pas tout seul, et je suis sûre qu’elle est très contente d’être à nouveau à la maison. Si jamais je vais à Los Angeles, j’irai voir Natalie, envoie-moi son adresse… J’ai eu des tas de choses à faire, je passe mon temps à courir à droite à gauche, mais dis-lui que je n’oublierai jamais le jour où nous avons déjeuné ensemble. Dis-lui qu’elle est une fille formidable, en plus d’être très belle.
Nos projets ne sont pas encore très précis. Diego doit terminer le portrait d’une dame ici, puis deux autres à Santa Barbara. Je vais probablement rentrer au Mexique, histoire de m’assurer de la situation sur place avant de prendre le risque de laisser Diego rentrer. Lui, il voudrait rester ici le plus longtemps possible, mais son permis arrive bientôt à expiration, donc il va falloir réfléchir à ce que nous ferons si jamais il ne peut pas demeurer plus longtemps dans ce pays. Il suffira peut-être de passer la frontière et de revenir. Mais tout dépendra de son travail ici et des circonstances politiques. En plus de ça, j’ai tout laissé en désordre à Mexico, donc il faut que j’y aille pour finir une bonne fois pour toutes de ranger les affaires de Diego, etc. Surtout sa collection de sculptures mexicaines et ses dessins.
Comme j’aimerais que tu puisses voir la fresque que Diego vient de terminer ici. À mon avis, c’est la meilleure peinture qu’il ait jamais réalisée. L’inauguration a été un vrai succès. Plus de vingt mille personnes sont venues la voir. Diego était tellement heureux ! Un vrai petit garçon, à la fois timide et heureux. Si je peux en prendre une photo, je te l’enverrai.
Où que je sois, je t’écrirai de temps en temps. Où vas-tu passer Noël ? Je veux arriver au Mexique avant les piñatas . (Tu te souviens de l’an dernier chez moi ?) Je suis sûre que les enfants de ma sœur vont encore bien s’amuser ce mois-ci dans ma maison de Coyoacán. Parfois ils me manquent tellement. Mon père aussi me manque, ainsi que mes sœurs (les deux grosses et celle que tu as rencontrée). Mon cœur est toujours partagé entre ma famille et Diego mais, bien sûr, c’est Diego qui occupe la place la plus importante, et maintenant j’espère en trouver une dans son cœur.
Mon cher Sigy, transmets mes amitiés à Alberta et à Mme Firestone.
Et pour toi, tout le cariño (101) de cette jeune mariée mexicaine qui t’aime tant.
Frida
Un baiser pour toi. Un autre pour Alberta.
Lettre à Emmy Lou Packard
Coyoacán, décembre 1940
Ma belle Emilucha,
J’ai bien reçu tes deux lettres ; merci, mon amie, ma sœur. Dépêchez-vous d’en finir avec le travail et venez me rejoindre à Mexicalpán de las Tunas. Si je pouvais n’avoir qu’à tourner au coin de la rue pour aller vous rendre visite aujourd’hui même… mais à quoi bon, il faudra supporter l’attente.
Vous me manquez, tous les deux… Ne m’oublie pas. Je te confie le grand gamin (Diego) de tout mon cœur, et tu n’imagines pas à quel point je te suis reconnaissante de t’inquiéter autant pour lui, de t’occuper de lui à ma place. Dis-lui d’arrêter de monter sur ses grands chevaux et de bien se tenir.
Je passe mon temps à compter les heures et les jours qui manquent pour vous avoir tous les deux ici… Fais en sorte que Diego aille voir un oculiste à Los Angeles et empêche-le de manger trop de spaghettis, pour qu’il ne grossisse pas. Au revoir, ma jolie petite chérie, je
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