Lettres
seulement anglais. Par ailleurs, il faudrait lui obtenir le formulaire quatorze qui permet aux étrangers de travailler dans le pays, ce qui n’est pas gagné quand on n’a pas passé six mois au Mexique. Le plus raisonnable, c’est qu’elle rentre en Californie et qu’elle accepte qu’Emily Joseph la recommande auprès de Magnit, qu’elle y travaille et qu’elle y gagne sa vie. Mais elle ne veut pas partir tout de suite, parce que les Joseph sont ici. Sidney va venir aussi et elle pense que si elle rentre en Californie sans travail, elle sera dans la panade. Elle préfère attendre que les Joseph rentrent, pour avoir de meilleures garanties de trouver quelque chose à San Francisco. Bref, mon pote, si tu pouvais lui envoyer 100 dollars, c’est la seule solution envisageable, ça lui permettra de louer un appartement modeste en attendant plus de stabilité. Elle a l’énorme défaut de toujours croire qu’elle a quelque chose de grave, elle ne fait que parler de maladies et de vitamines, mais elle pourrait faire un effort pour étudier ou pour travailler, comme le font des millions de gens qui sont bien plus mal foutus qu’elle mais qui doivent aller bosser parce qu’ils n’ont pas le choix. Elle n’a peut-être pas la force de travailler, mais elle en a assez pour aller se promener ou faire d’autres choses dont je ne peux pas te parler ici ; elle m’a beaucoup déçue. Au début, j’ai cru qu’elle y mettrait du sien, au moins pour m’aider aux tâches ménagères, mais c’est une flemmarde de première, une égoïste comme on n’en fait plus ; elle ne veut rien foutre, et quand je dis rien, je pèse mes mots. Sans vouloir me faire mousser, si elle, elle est malade, moi, qu’est-ce que je devrais dire ? Mais ça ne m’empêche pas de traîner la patte tant bien que mal pour m’activer, faire mon possible pour aider Diego, peindre mes figurines, mettre un peu d’ordre dans la maison, sachant à quel point ça peut soulager Diego, lui qui travaille d’arrache-pied pour que nous ayons de quoi manger. Cette Jean n’a que du vent dans la cervelle : comment se confectionner de nouvelles robes, comment se maquiller la tronche, comment se coiffer pour avoir l’air plus belle ; elle passe ses journées à parler de la « mode » et de tout un tas de bêtises qui ne mènent à rien, et pour couronner le tout, elle est d’une prétention qui laisse bouche bée. Ne vois pas dans mes propos des cancans de lavandière ; tu me connais bien et tu sais que je dis les choses telles qu’elles sont, je n’ai aucun intérêt à faire du mal à Jean, mais j’estime être dans l’obligation de te dire tout cela car tu la connais mieux que personne et, surtout, car je suis responsable de sa venue, qui était à ton avis la meilleure solution. J’ai entièrement confiance en toi et je pense pouvoir te parler en toute sincérité de cette affaire. Avec la certitude que tout cela ne parviendra pas aux oreilles de Jean, pour éviter les commérages inutiles. Je lui ai dit que j’allais t’écrire pour que tu saches que la situation politique de Diego, qui est déjà bien assez délicate, se compliquerait davantage s’il recevait chez lui une personne qui se déclare ouvertement stalinienne. Je lui ai fait la promesse de ne pas te dévoiler les détails de l’incident et je ne l’ai pas tenue, jugeant qu’il était de mon devoir de te préciser les raisons de l’attitude de Diego, au cas où elle te servirait une autre version, en se faisant passer pour une victime et en enrobant cette affaire délicate (s’agissant de politique) de potins d’ordre sentimental et amoureux ou d’autres conneries dont elle use à souhait pour faire croire que le mauvais sort s’acharne sur elle… mauvais sort dont elle parle continuellement sans même réfléchir au fait que c’est elle qui se met toute seule dans la mouise par son comportement et parce qu’elle n’accorde pas la moindre importance à la seule chose dont elle devrait se soucier : travailler pour gagner sa vie, comme tout le monde. Je me demande ce qu’elle pense faire quand elle sera vieille et moche et que plus personne ne s’intéressera à elle sexuellement, vu qu’à l’heure actuelle c’est la seule arme dont elle dispose. Et tu sais que les charmes sexuels d’une femme finissent par s’envoler, alors il ne leur reste plus que ce qu’elles ont dans la cervelle pour pouvoir se défendre dans cette sale chienne
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