L'hérétique
cette langue. Puis je me suis
rendu en Bretagne.
— Et maintenant, tu viens à ma rescousse…
Le comte sourit en dévoilant une mâchoire passablement
édentée.
— Je suppose que tu aimerais une bonne chopine de bière
pour te récompenser de cette aide ? proposa-t-il à son
« sauveur ».
— Au moins, Monseigneur !
Northampton éclata de rire.
— Nous nous sommes plutôt ridiculisés, tu ne crois
pas ?
Il regardait les Français qui hésitaient à lancer une
nouvelle attaque, maintenant qu’une centaine d’archers anglais s’étaient
alignés sur la rive.
— Nous pensions pouvoir défier une quarantaine de leurs
hommes en les invitant à un combat d’honneur près du village, continua le lord,
mais la moitié de leur satanée armée a dévalé la colline. Est-ce que tu
m’apportes des nouvelles de Will Skeat ?
— Il est mort, Monseigneur. Il est tombé à la bataille
de La Roche-Derrien.
Le comte tressaillit, se signa.
— Pauvre Will. Dieu sait que je l’aimais. Il n’y a
jamais eu de meilleur soldat.
Puis, plissant ses yeux, il demanda brusquement à
Thomas :
— Et l’autre… chose… Tu me l’as apportée ?
Il voulait parler du Graal.
— Je vous ai apporté de l’or, Monseigneur, répondit
Thomas, mais pas ce que vous avez en tête.
Le comte tapota le bras de son jeune sauveur.
— Il faut que nous parlions tous les deux, mais pas
ici.
Il se tourna vers ses hommes et lança d’une voix
tonitruante :
— Retirons-nous ! En arrière !
Son arrière-garde se hâta de traverser la rivière à pied.
Avec la marée montante, les chevaux avaient déjà été emmenés et mis en sécurité
sur l’autre rive. Thomas suivit à son tour le mouvement et le comte, l’épée au
clair, fut le dernier à s’engager dans l’eau de plus en plus profonde. Voyant
s’envoler leur proie de choix, les Français se mirent à conspuer sa retraite.
Pour ce jour, le combat était terminé.
L’ost du roi de France renonça à tenir la position conquise.
S’ils avaient massacré la garnison de Nieulay, même les plus bouillants d’entre
eux savaient qu’ils ne pouvaient en faire davantage. Les Anglais étaient trop
nombreux. Des milliers d’archers britanniques étaient en train de prier pour
que l’armée de Philippe traverse la rivière et livre bataille. Mais celle-ci ne
leur accorda pas ce plaisir et décida au contraire d’abandonner le champ de
bataille. Les Français laissèrent derrière eux les tranchées du hameau pleines
de morts et abandonnèrent les crêtes de Sangatte balayées par le vent. Le
lendemain, la ville de Calais, à bout, se rendit. En réaction contre la longue
résistance de la cité, la première idée du roi Edouard fut de massacrer la
totalité de ses habitants, de les aligner près des douves et de décapiter leurs
corps émaciés. Mais ses grands seigneurs protestèrent en arguant du fait que
les Français en feraient autant avec toutes les possessions anglaises de
Gascogne ou de Flandres qu’ils prendraient. À contrecœur, le roi réduisit alors
son exigence à six vies.
Six hommes, six bourgeois aux joues creuses, revêtus de
robes de pénitent, des cordes de pendu enroulées autour du cou, furent conduits
hors de la ville. Tous étaient des citoyens de premier plan de Calais, des
marchands ou des chevaliers, des personnages éminents par leur richesse ou leur
position, le type même de ces hommes qui avaient défié Edouard d’Angleterre
depuis maintenant plus de onze mois. Ils apportaient les clés des portes de la
ville sur des coussins qu’ils déposèrent aux pieds du souverain. Puis ils se
prosternèrent devant l’estrade de bois sur laquelle étaient assis le roi, la
reine et les grands dignitaires d’Angleterre. Les six hommes plaidèrent pour
leur vie. Mais Edouard était vraiment furieux. Pendant des mois, ils l’avaient
défié. Le siège lui avait coûté une véritable fortune. Aussi l’exécuteur des
hautes œuvres, le bourreau de la couronne, fut-il appelé. Une nouvelle fois,
les grands seigneurs protestèrent que cette initiative allait ouvrir la porte à
de terribles représailles. La reine Philippine elle-même s’agenouilla devant
son royal époux et l’implora d’épargner la vie des six bourgeois de Calais. La
mine maussade, Edouard marqua une pause tandis que les six hommes attendaient,
immobiles, sous le dais. Finalement il accepta de leur laisser la vie sauve.
De la nourriture fut
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