L'hérétique
poster des
arbalétriers sur les tours des portes et des hommes d’armes sous les arches.
— Avez-vous déjà affronté des archers anglais ?
demanda le Normand, menaçant.
Courtois acquiesça de la tête.
— En Flandres, précisa-t-il. Et je n’ai guère aimé
l’expérience. Mais combien d’archers pouvez-vous vous permettre de perdre dans
un combat de rue ?
Messire Guillaume reconnut le caractère sensé de cette
remarque. S’il envoyait ses archers contre les portes de la ville, ils
devraient se battre de près et tirer depuis les jardins et les cours. Les
arbalétriers de Bérat, quant à eux, seraient tapis derrière leurs pavois ou les
fenêtres des maisons. Et certains de leurs carreaux feraient incontestablement
mouche. En quelques minutes, la petite garnison de Castillon risquait de perdre
quatre ou cinq précieux archers, ce qui l’affaiblirait sérieusement.
— Vous pouvez prendre les portes de la ville,
l’autorisa-t-il.
Messire Henri se versa un peu plus de vin.
— J’ai quarante-deux hommes d’armes avec moi, révéla-t-il,
et trente-trois arbalétriers. Sans parler, naturellement, du cortège habituel
de serviteurs, de femmes et de clercs. Ils ont tous besoin d’abri. L’hiver
arrive.
— Eh bien, tenez-vous chaud ensemble, suggéra
d’Evecque.
— Oui, nous pourrions le faire, admit Courtois, mais je
propose que vous nous laissiez utiliser les maisons entre la porte occidentale
et l’église Saint-Callic. Je vous garantis que nous n’occuperons aucun bâtiment
à l’est de la ruelle du charron ou au sud de la rue escarpée…
— Vous connaissez la ville ? s’étonna Guillaume.
— J’en ai été le châtelain. Il y a longtemps.
— Alors vous connaissez la porte du moulin ?
Il faisait allusion à la petite porte dans le mur de la ville
qui conduisait au moulin à eau, la porte par laquelle Thomas et Geneviève
s’étaient échappés.
— Je la connais, confirma le commandant des forces de
Bérat, mais elle est trop proche du château, et si je positionne des hommes
pour la garder, vos archers pourront les neutraliser depuis le sommet de la
tour.
Il fit une pause pour boire une gorgée de sa timbale de vin
avant de livrer le fruit de ses réflexions :
— Si vous voulez que je vous assiège vraiment, je le
peux. Je rapproche mes arbalétriers au maximum du château et je les laisse
exercer leur art sur vos sentinelles. Mais vous savez et je sais que nous ne
ferons que tuer des hommes des deux côtés et vous serez toujours à l’intérieur.
Je présume que vous avez de la nourriture…
— Plus qu’il n’en faut.
— Alors je vais empêcher vos cavaliers de sortir par
les deux grandes portes. Mais vous pourrez encore faire sortir vos hommes à
pied par la porte du moulin, et tant qu’ils n’interféreront pas avec moi, je
ferai mine de ne pas les remarquer. Vous avez des filets dans l’étang du
moulin ?
— Oui.
— Je n’y toucherai pas, indiqua Courtois. Je vais dire
à mes hommes que le moulin est hors de leur juridiction.
Tout en tapotant de ses doigts le bord de la table, messire
Guillaume réfléchit à cette proposition. Un petit murmure parcourut ses hommes,
le long du mur, tandis qu’on leur traduisait la conversation en français des
deux commandants.
— D’accord, vous pouvez avoir les maisons entre la
porte occidentale et l’église Saint-Callic, acquiesça Guillaume d’Evecque au
terme d’un temps de réflexion. Mais qu’en est-il des tavernes ?
— Certes, il s’agit là d’un point essentiel, admit
messire Henri.
— Mes hommes aiment les Trois-Grues.
— C’est une bonne maison, confirma l’ancien châtelain.
— Donc, que vos hommes l’évitent.
— D’accord. Mais ils pourront fréquenter celle de
l’Ours et du Boucher.
— Accordé. Mais nous ferions mieux d’insister dès
maintenant sur le fait qu’ils n’emporteront ni épées ni arcs dans l’une ou
l’autre.
— Seulement des dagues, précisa messire Henri, c’est
raisonnable.
Aucun des deux hommes ne voulait voir des soldats ivres se
lancer dans de folles virées nocturnes.
— Et si le moindre problème surgit, ajouta le
Languedocien, je viens vous trouver et nous en parlons.
Il marqua une pause et fronça les sourcils, en prenant
soudain conscience d’un détail qui lui avait échappé.
— Vous étiez en Flandres, n’est-ce pas ? Avec le
comte de Coutances ?
— J’étais en Flandres, confirma le Normand,
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