L'hérétique
pressa
Courtois. Personne ne va vous tuer.
— Ce parchemin dit deux choses, commença le prêtre. D’abord
que messire Guillaume et ses hommes ont deux jours pour quitter Castillon
d’Arbizon sains et saufs…
— Et l’autre chose ! s’emporta d’Evecque.
Le prêtre fronça les sourcils.
— Il parle de la traite monétaire d’un homme appelé
Robert Douglas, expliqua-t-il à Courtois. Si messire Guillaume la présente à
Jacques Fournier, celui-ci lui paiera six mille six cent soixante florins.
Il posa le rouleau sur la table comme s’il était imprégné de
poison.
— Au nom du Christ, qui est Jacques Fournier ?
tonna d’Evecque, furieux.
— Un orfèvre de Bérat, expliqua messire Henri, mais je
doute que Jacques possède une telle somme dans ses caves…
— Robbie a organisé ça ? demanda le borgne,
furieux.
— Robert Douglas a juré allégeance au seigneur de Bérat
maintenant, précisa le commandant du comte.
C’était vrai : il avait assisté à la petite cérémonie
au cours de laquelle l’Écossais avait prêté serment. Après l’échange de
baisers, il avait noté l’expression triomphale qui se lisait sur le visage de
Joscelyn.
— Ce document est l’œuvre de mon seigneur.
— Et il pense que nous sommes idiots ?
— Il pense surtout que vous n’oserez pas vous montrer à
Bérat, indiqua messire Henri.
— Trompés ! Jésus-Christ ! Nous avons été
trompés ! explosa messire Guillaume en écrasant la paume de sa dextre sur
la table.
De son œil unique, il jetait des regards furieux sur ses
visiteurs.
— Est-ce là ce qui passe pour de l’honneur, à
Bérat ? demanda-t-il.
Comme son interlocuteur ne répondait pas, le Normand abattit
un poing rageur sur la table.
— Je pourrais vous garder prisonniers, tous les
deux !
Tout autour de la pièce, les soldats grommelèrent leur
assentiment.
— Vous pourriez, acquiesça Courtois calmement, et je ne
vous en blâmerais pas, croyez-moi. Mais le comte ne paiera aucune rançon pour moi
et il n’en paiera assurément aucune pour lui.
Il avait fait un signe de la tête vers le prêtre.
— Nous ne serions que deux bouches de plus à nourrir.
— Ou deux cadavres à enterrer, rétorqua Guillaume
d’Evecque.
Courtois haussa les épaules. Il savait parfaitement que
l’offre de remettre de l’or provenant des caves de l’orfèvre était indigne,
mais il n’en était pas responsable.
— Vous pouvez aller dire à votre maître, indiqua le
borgne, que nous ne quitterons ce château que lorsque nous aurons ici nos six
mille six cent soixante florins. Et pour chaque semaine de plus qui passera
sans que nous ayons notre dû, cent nouveaux florins viendront s’ajouter à la
somme.
Ses hommes murmurèrent leur approbation. Messire Henri
lui-même ne parut pas surpris par la décision.
— Je suis ici, avoua-t-il au Normand, pour m’assurer
que vous ne partiez pas. À moins que vous ne souhaitiez vous en aller,
aujourd’hui ou demain…
— Nous restons, indiqua le commandant de Castillon.
Ce n’était pas une décision à laquelle il avait mûrement
réfléchi et, s’il avait eu le temps de la peser, il aurait peut-être fait un
autre choix. Mais le tromper et le priver de son or était un moyen sûr de
renforcer sa pugnacité.
— Nous restons, bon sang !
— Alors je reste aussi, répliqua Courtois en repoussant
le parchemin de l’autre côté de la table. C’est à vous. Je vais toutefois
envoyer un message à mon seigneur pour lui dire qu’il serait sensé de la part
du jeune Douglas de payer la somme due. Cela économiserait ainsi de l’or et des
vies.
Guillaume récupéra le parchemin et le glissa dans son
pourpoint.
— Vous restez ? Et où donc ?
Messire Henri regarda les guerriers alignés contre le mur.
Ce n’étaient certes pas des soudards qu’il pouvait surprendre au hasard d’une
furtive escalade. En outre, ses propres hommes étaient pour l’essentiel ceux de
l’ancien comte. Avec le temps, ils étaient devenus indolents, incapables de
supporter la comparaison avec une garnison aguerrie et décidée.
— Vous pouvez tenir le château, dit-il à Guillaume,
mais vous n’avez pas assez d’hommes pour garder les deux portes de la ville.
Alors vous laissez cette tâche aux gens d’armes de la ville et aux hommes du
guet. Je vais donc en prendre le contrôle. Naturellement, vous pourriez
toujours essayer de passer en force à travers, mais je vais
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