L'hérétique
situation désespérée. Très inférieurs en nombre, ses hommes et lui étaient
acculés dans l’angle de la cour où se trouvait le tas de fumier.
Il cria aux soldats qui lui restaient de rapprocher leurs
écus et de tenir bon. Quand les hommes de Guy chargèrent, les Anglais levèrent
leurs écus pour parer les coups de haches et d’épées. Boucliers en avant, ils
parvinrent à repousser l’assaut. Leurs lames s’enfonçaient dans les ventres et
les poitrines de leurs adversaires.
L’un des ennemis, un gros homme avec un taureau sur son
surcot, brandissait une masse d’armes, une boule de fer au sommet d’un robuste
manche. Il était pour l’heure occupé à fracasser l’écu d’un Anglais à grands
coups de marteau. Bientôt, il n’y eut plus rien autour des sangles du bouclier
que des morceaux de saule pulvérisés retenus par l’enveloppe de cuir, et le
malheureux défenseur eut l’avant-bras cassé. Serrant les dents, il tenta de
jeter les morceaux de son écu brisé au visage de son agresseur. Mais un autre
Français surgit et lui planta son épée dans le ventre. L’Anglais tomba à
genoux, bascula sur le côté. Messire Guillaume chargea l’homme à la masse et le
repoussa. Le Français trébucha contre sa victime à terre. D’Evecque en profita
pour le frapper au visage avec la poignée de son arme. L’une des extrémités de
la traverse pénétra dans un œil de l’homme au taureau, qui tomba sur le dos.
Même étendu, il continua de résister avec sa masse. Du sang et de la matière
gélatineuse lui dégoulinaient sur la joue. Messire Guillaume n’eut pas le temps
de l’achever, car deux autres assaillants arrivaient derrière lui.
La petite ligne de défenseurs se retrouva scindée. Un
Anglais était à genoux, deux épées lui martelant le heaume. L’homme d’armes
chancela en avant et vomit, tandis que l’un des Français exploitait
l’opportunité offerte en enfonçant son épée dans l’échancrure entre la cuirasse
et le heaume. L’Anglais hurla quand la lame pénétra juste derrière l’omoplate
et continua sa course vers la colonne vertébrale. Désormais borgne, l’homme à
la masse essayait de se relever. Revenu à sa hauteur, messire Guillaume lui
balança un grand coup de pied au visage, puis un second, et comme l’autre ne
voulait pas rester à terre, le Normand lui planta son épée dans la poitrine à
travers les mailles. Ce faisant, Guillaume d’Evecque n’avait pas vu venir un
autre ennemi. Un puissant coup d’épée à la poitrine l’envoya voler sur le tas
de fumier.
— Ce sont des hommes morts ! hurla Foulques. Ils
sont morts !
À cette seconde, la première volée de flèches tomba du haut
du donjon.
Les dards touchèrent les hommes de Foulques dans le dos.
Certains portaient des cuirasses et les flèches plongeant à angle aigu
ricochèrent dessus. Mais les boujons transpercèrent sans effort les mailles et
le cuir.
En un instant, quatre assaillants furent tués et trois
autres blessés. La panique s’empara des rangs français. Puis les archers
tournèrent leurs arcs vers les arbalétriers toujours plantés sur les gravats de
la porte.
Indemne, messire Guillaume parvint à se relever. Son
bouclier étant fendu, il l’abandonna.
L’homme au taureau venait de se remettre à genoux. Ses bras
puissants agrippèrent la taille du Normand. Il essaya de le faire tomber.
À deux mains, d’Evecque abattit le lourd pommeau de son épée
sur le heaume de l’ennemi. Celui-ci ne lâchait toujours pas prise et renversa
son adversaire. Messire Guillaume tomba avec fracas et laissa choir son épée.
Il était maintenant en dessous du gros borgne qui essayait de l’étrangler.
Tâtonnant de sa main gauche, le Normand cherchait le bas de la cuirasse du
colosse. Il la trouva, tira sa dague de son fourreau avec la main droite et la
planta dans le ventre du Français. Il sentit la lame traverser le cuir et
s’enfoncer dans la chair et le muscle. Tortillant le poignard à l’intérieur de
la plaie, il sectionna les intestins de l’homme. Au-dessus de lui, le visage
rougeaud, borgne, brutal, ensanglanté, éructait en bavant.
De nouvelles flèches plurent. Elles se plantaient avec un
sinistre bruit sourd dans les dos et les épaules des survivants de Foulques.
— Ici !
Guy Vexille se trouvait à la porte du donjon.
— Foulques ! Ici ! Laissez-les ! Viens
ici avec tes hommes !
De sa voix rugissante, Foulques répéta l’ordre à
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