L'hérétique
implications de ce qu’il contemplait, tellement
écrasé qu’il ne pouvait prononcer la moindre parole. Son nez coulait. Agacé, il
finit par l’essuyer impatiemment d’un revers de manche.
— La boîte était vide quand elle a été découverte,
expliqua Planchard. C’est en tout cas ce que m’a confié l’abbé Loix, Dieu
veille sur son âme. L’histoire prétend que la boîte se trouvait dans un
reliquaire d’or et d’argent, sur l’autel de la chapelle du château. Le
reliquaire, j’en suis certain, fut ramené à Bérat, mais cette boîte fut offerte
au monastère. Elle avait dû être jugée sans valeur, je suppose.
Le comte rouvrit le coffret et essaya de humer l’intérieur,
mais il avait le nez totalement bouché. Les rats grouillaient parmi les os de
la crypte attenante, cependant il ne faisait pas attention au bruit. En
réalité, il ne remarquait plus rien autour de lui. Son esprit n’était plus
concentré que sur une chose, la signification de la boîte et ses implications :
le Graal, un fils…
Seulement… Seulement, pensait-il, ce coffret était beaucoup
trop petit pour avoir contenu lui-même le vase sacré. Enfin peut-être pas,
après tout ? Qui savait à quoi ressemblait vraiment le Graal ?
L’abbé tendit la main pour récupérer son
« trésor », afin de le remettre dans le coffre avec les autres
reliques, mais le noble s’y agrippa fermement.
— Monseigneur, fit remarquer tristement l’abbé, la
boîte était vide. Rien n’a été trouvé à Astarac. C’est pourquoi je vous ai
amené ici, pour que vous puissiez voir par vous-même. Rien n’a été
trouvé !
— Ça, ça a été trouvé ! corrigea le comte en
présentant le coffret qu’il refusait de lâcher. Et ça prouve que le Graal était
là.
— Vraiment ? observa le religieux, peiné.
Le comte tendit l’index vers les mots effacés sur le côté de
la boîte.
— Qu’est-ce que cela peut signifier d’autre ?
— Il y a un Graal à Gênes, rappela Planchard, et les
bénédictins de Lyon prétendaient aussi jadis le posséder. On raconte également,
puisse Dieu faire en sorte que cela soit faux, que le vrai Graal se trouve dans
le trésor de l’empereur, à Constantinople. On a aussi dit qu’il était à Rome,
et encore à Palerme. Mais ce dernier, je pense, n’est qu’une coupe sarrasine
prise sur un navire vénitien. D’autres affirment que les archanges sont
descendus sur terre pour le récupérer et qu’ils l’ont emmené dans les deux. Il
y en a aussi qui sont persuadés qu’il est encore caché dans Jérusalem, protégé
par l’épée flamboyante qui jadis gardait le jardin d’Eden. On l’a vu à Cordoue,
Monseigneur, à Nîmes, à Vérone et dans bon nombre d’autres endroits. Les
Vénitiens disent qu’il est gardé sur une île qui ne serait accessible qu’aux
cœurs purs. Il en est même qui prétendent qu’il a été emmené en Écosse.
Monseigneur, on pourrait remplir un livre avec les histoires du Graal…
— Il était ici.
Le comte se refusait à accorder le moindre crédit à tout ce
qu’avait raconté le moine.
— Il était ici, répéta-t-il, et il y est peut-être
encore.
— Il n’est rien que j’aimerais davantage, confessa
Planchard, mais là où Perceval et Gauvain ont échoué, pouvons-nous espérer
réussir ?
— C’est un message de Dieu, déclara Bérat, serrant
toujours la boîte contre lui.
— Je pense, Monseigneur, fit observer judicieusement le
prêtre, que c’est surtout un message de la famille Vexille. Selon moi, ils ont
fabriqué cette boîte, ils l’ont peinte et ils l’ont laissée ici pour se moquer
de nous. Et en s’enfuyant, ils nous ont fait croire qu’ils avaient emporté le
Graal avec eux. Je pense que cette boîte est leur revanche. Je devrais la
brûler.
Mais le comte ne voulait pas renoncer au coffret.
— Le Graal était ici, s’obstina-t-il.
Comprenant qu’il venait de perdre l’objet, l’abbé referma le
coffre et tourna la clé.
— Nous sommes une petite maison, Monseigneur, mais nous
ne sommes pas totalement coupés du reste de l’Église. Je reçois des lettres de
mes frères et j’entends des choses…
— Comme ?
— Le cardinal Bessières est à la recherche d’une
grandiose relique.
— Je sais et c’est ici qu’il cherche lui aussi, pas
ailleurs ! indiqua le comte triomphalement. Il a envoyé un moine fouiller
dans mes archives !
— Lorsqu’il s’agit du service de
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