L'Héritage des Cathares
Que signifie ? demandai-je, hors d’haleine et très contrarié.
Elle me prit par le coude et m’entraîna à l’écart.
— Viens avec moi, Gondemar. Tu es attendu. Je vois que tu te portes mieux !
Nous marchâmes jusqu’à l’infirmerie. J’eus beau multiplier les questions d’un ton de plus en plus impatient, mon amie refusa obstinément d’y répondre.
— Patience, Gondemar, se contentait-elle de répéter. Tu comprendras bientôt.
Une fois à l’intérieur, elle traversa l’infirmerie sans s’arrêter et franchit la porte à l’autre extrémité. De plus en plus intrigué, je la suivis. D’un pas pressé, nous arpentâmes un long couloir parsemé de portes. Arrivés au fond, elle s’immobilisa devant une porte et y frappa quelques coups discrets. Une voix retentit de l’autre côté, elle ouvrit, se retourna et me fit signe de la suivre. J’entrai, espérant qu’en franchissant le seuil je faisais un pas vers la Vérité.
Les murs étaient drapés de lourdes tentures sombres et seules quelques chandelles, posées sur une table en demi-cercle, éclairaient la pièce. Je ne me laissai pas impressionner par l’atmosphère dramatique, qu’elle fût volontaire ou non. J’avais vu mille fois pire.
Trois hommes et une femme me dévisageaient, les mains croisées sur la table, l’expression austère. Une cinquième chaise, à l’extrémité droite, était libre. Tous étaient vêtus de noir et portaient sur la poitrine une croix en fer grossier suspendue à un cordon de cuir. Exactement la même que Métatron avait imprimée, comme au fer rouge, sur mon épaule. Une fois encore, cet objet croisait mon chemin. Cela ne pouvait être l’effet du hasard et j’en notai la présence en veillant à ne pas trahir mon excitation.
Parmi les quatre individus se trouvait un des deux hommes qui avaient assisté Pernelle pendant l’amputation de mon voisin de lit et qui, l’air sévère, m’avait souvent apporté mes repas sans jamais ouvrir la bouche. Je n’avais jamais vu les autres.
— Dieu soit avec toi, Gondemar de Rossal, dit le vieil homme à l’abondante barbe blanche et au regard perçant qui était assis à la place centrale. Je me nomme Bertomieu. Et voici Garsenda et Albin. Je crois savoir que tu connais déjà Rambaut.
Les trois autres inclinèrent gravement la tête et je leur répondis pareillement, soucieux de ne pas apparaître trop belliqueux avant de savoir de quoi il retournait.
— Nous avons à te parler, ajouta le vieillard.
— C’est ce qu’on me dit, oui. grommelai-je, de mauvaise humeur. Par le cul de la Vierge, j’aimerais bien savoir de quoi on tient tant à m’entretenir, moi qui ne suis qu’un vil prisonnier.
Le vieil homme grimaça un peu puis m’adressa un sourire tolérant. D’une main osseuse, il désigna un tabouret posé devant la table.
— Si tu veux bien prendre place, je vais t’expliquer.
Comprenant qu’il était bien décidé à faire les choses à son
rythme peu importait combien j’enrageais, je m’assis. J’avais l’impression de comparaître devant un tribunal, moi qui, comme seigneur, avais détenu le droit de justice absolu sur mes serfs. La chose me causait un inconfort certain, que je m’efforçai de masquer. Du chef, le vieillard fit un signe discret à Pernelle, qui était restée à mes côtés, un peu en retrait. Elle se dirigea vers une cruche posée au bout de la table et remplit un gobelet qu’elle me rapporta avant d’aller s’asseoir de l’autre côté, avec les quatre autres. Puis elle fouilla dans le col de sa robe et en extirpa la même croix que les autres. Elle m’adressa un regard oblique et haussa les sourcils, contrite.
Je réalisai alors que j’avais affaire à cinq Parfaits. Un conseil quelconque. Mais pourquoi ?
— Bois, mon garçon, conseilla le vieil homme, une lueur espiègle dans les yeux. J’ai ouï dire que tu viens de faire de grands efforts. Le soleil a dû te taper sur la tête ou était-ce plutôt le bras d’Ugolin. Heureusement, grâce aux bons soins de dame Pernelle, tu me parais bien solide.
Le fait qu’il soit au courant de ma récente aventure ne me surprit guère. Clairement, elle avait été montée de toutes pièces et expliquait ma présence en ce lieu. Je me sentais comme un pion dans une partie d’échecs, dépouillé du pouvoir que j’avais toujours aimé exercer. La soif me tenaillait et j’y cédai malgré moi, vidant
Weitere Kostenlose Bücher