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L'Héritage des Cathares

L'Héritage des Cathares

Titel: L'Héritage des Cathares Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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paraissaient injustes ? Ainsi, lorsque Florent décréta une première augmentation de la taille 4 en plus de dix ans, elle en fut outrée.
    —    C’est odieux ! Ton misérable avorton de père ne réalise-t-il pas que ses gens sont incapables de payer davantage ? explosa-t-elle. Il enlève le pain de la bouche des nourrissons ! Sait-il même compter ? S’ils meurent de faim, ils ne pourront jamais devenir des hommes et lui payer la taille à leur tour ! Quel niais !
    —    Pernelle. Un seigneur doit tirer des revenus de la seigneurie. Florent en conserve déjà trop peu.
    —    Assez pour te vêtir correctement ! rétorqua-t-elle. Tu as déjà comparé tes vêtements à mes hardes ?
    Honteux, je ne trouvai rien à dire et me contentai de baisser les yeux. Elle s’approcha de moi et posa un baiser sur ma joue.
    —    Je t’aime quand même, fils de tyran, dit-elle en riant.
    Pendant un instant, le temps sembla cesser son cours. Nos
    yeux se rencontrèrent et, sans que je comprenne trop comment cela se produisit, nos lèvres se trouvèrent furtivement. Puis nous nous détachâmes, un peu effarouchés.
    —    Je pourrai toujours dire que j’ai embrassé un noble, dit-elle, espiègle, pour dissiper le malaise.
    Quand le cœur lui en disait, elle n’hésitait pas à déclarer que le monde était injuste et que Dieu avait abandonné les hommes à Satan. Que les prêtres ne racontaient que des fadaises auxquelles seuls les pauvres d’esprit croyaient. Les enseignements du père Prelou frais en mémoire, je ne pouvais m’empêcher de frissonner au son d’un tel sacrilège, mais j’admirais aussi son courage de dire de pareilles choses.
    Au fil des ans, nous en vînmes à ne plus avoir de secrets l’un pour l’autre. Nous étions inséparables, le réconfort que nous avions initialement trouvé dans notre présence mutuelle s’étant muté en une parfaite harmonie. Si mon père désapprouvait cette relation soutenue entre son fils, futur seigneur, et la fille du sabotier, ma mère, elle, connaissait ma solitude passée et était ravie de me voir m’épanouir.
    Un jour, Pernelle me fit comprendre ce qu’étaient vraiment l’isolement et la misère. Elle devait avoir treize ans. L’âge où plusieurs filles sont déjà mariées et en passe d’enfanter leur premier-né. Je me souviens que nous avions longtemps discuté de tout et de rien, sans presse. Assis tout près d’elle, adossé à un grand chêne, je me sentais à l’aise et j’avais l’impression que tout nous était permis, qu’aucune barrière n’existait plus entre nous. Je me décidai donc à poser la question que je n’avais jamais osé lâcher.
    —    Ta jambe, dis-je à brûle-pourpoint.
    —    Quoi ?
    —    Tu es née comme ça ?
    Elle fit la moue et son visage s’assombrit.
    —    Non.
    —    Tu as eu un accident ?
    —    Elle a été brisée par mon père.
    Je demeurai un moment pantois. Le sabotier buvait beaucoup et était connu pour son sale caractère. Tous savaient qu’il avait la main leste et que sa femme en faisait les frais.
    —    Volontairement ? demandai-je bêtement.
    —    Si l’on veut.
    —    Mais. pourquoi ?
    —    Mon père ne sait pas parler autrement qu’avec des coups. Et j’ai commis l’erreur de lui refuser.
    —    Refuser quoi ?
    Elle laissa échapper un soupir déchirant, puis tourna vers moi un regard empli de tristesse.
    —    Mon entrecuisse.
    Hébété, je la regardai sans rien dire. Elle se mit à jouer nerveusement avec ses doigts et garda longtemps le silence avant de poursuivre.
    —    Ma mère a eu seize grossesses. Huit enfants encore vivants. Et nous sommes si pauvres. Ma mère ne veut plus devenir grosse. Elle se refuse à lui. Alors moi et mes deux sœurs. Il. il nous.
    Elle ne put continuer sans prendre une grande inspiration tremblotante. Abasourdi, je l’écoutais sans l’interrompre, comme dans un cauchemar.
    —    Ça n’arrivait pas souvent, mais parfois. quand l’envie le prenait. surtout quand il avait bu. il devenait comme une bête enragée. Il se. soulageait avec le premier corps qui passait à sa portée. Un jour, je me suis débattue plus que de coutume. J’ai réussi à me sauver. Je ne voulais pas. Ça fait si mal. Il m’a poursuivie dans la maison et m’a si bien rossée que ma jambe s’est cassée. Elle était pliée au milieu, comme l’équerre de
    Naudet, le maçon. La douleur était si

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