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L'Héritage des Cathares

L'Héritage des Cathares

Titel: L'Héritage des Cathares Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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n’y penses pas ! Ils dépendent de moi ! Qui va les soigner ? Et si d’autres sont blessés ? Que leur arrivera-t-il ? Les laissera-t-on simplement pourrir ?
    —    Je sais tout cela, Pernelle, mais je n’y peux rien. Ce sont les ordres de Pierre Roger, qui les tient lui-même de Guilhabert de Castres. Ne t’en prends pas au messager.
    —    Je m’en fiche comme de mes premières chaussures, de Pierre Roger et de ses ordres ! me postillonna-t-elle au visage. Et de Guilhabert de même ! Je reste ici !
    Elle fit demi-tour et allait retourner à ses patients lorsque je perdis patience. Je la saisis par le bras, la fis pivoter et la tirai vers moi en la serrant un peu plus que je ne l’aurais voulu.
    —    Écoute-moi bien, sale petite tête de mule, crachai-je, les dents serrées. Tu vas dire aux autres Parfaits de se préparer le moins de bagages possible et de s’assurer que ceux de Bram qui sont en mesure de nous accompagner soient prêts, eux aussi. Et tu vas faire la même chose. Nous partons ce soir et si tu n’es pas dans la cour au coucher du soleil, je te jure devant le Dieu que tu voudras que je viendrai te ramasser ici et que je te botterai le cul jusqu’à ton cheval. Compris ?
    Elle écarquilla les yeux et, l’espace d’un instant, je revis sur son visage la petite fille apeurée de jadis. Ses lèvres se mirent à frémir. Je fis un effort pour retrouver mon calme.
    —    Pernelle, repris-je d’un ton pressant. Montfort va bientôt se remettre en marche avec une armée plus grande que jamais. Il va tout écraser sur son passage. Tu ne peux pas rester ici.
    —    Cabaret est imprenable, tu le sais bien. Qu’il vienne !
    —    Aucune forteresse n’est imprenable si on a suffisamment de temps et de ressources. Et cette fois, il les a. Tôt ou tard, Cabaret tombera, ou alors elle devra se rendre. Et ce jour-là, que crois-tu que te feront les croisés ? Cent fois pire que ce que t’ont fait les brigands à Rossal ! Tu n’as pas oublié ce jour-là, je suppose ?
    Je lui saisis l’autre bras et l’approchai de moi pour bien river mes yeux dans les siens. Elle se laissa faire. Je sentis mes yeux se gorger de larmes que j’eus du mal à contenir. Moi, le damné, je pleurais.
    —    Je n’ai pas été capable de te protéger quand nous étions enfants, sanglotai-je malgré moi. J’en ai porté le poids toute ma vie. Cette fois-ci, je ne suis pas impuissant et je ne permettrai pas qu’il t’arrive quelque chose. Avec Montbard, tu es tout ce qui me reste. Tu comprends ? Je n’ai personne d’autre.
    Ses yeux se mouillèrent à leur tour et elle hocha du chef.
    —    Soit. Je vais avertir les autres, dit-elle d’une voix presque inaudible. Ils seront là, je te le promets.
    D’un geste impulsif, je saisis ses joues dans mes mains et posai un baiser sur son front.
    —    Plus jamais on ne te fera du mal, Pernelle, chuchotai-je. Je te le jure.
    Elle enveloppa mes mains avec les siennes.
    — Ne fais pas de promesses que tu ne peux pas tenir, Gondemar. Seul Dieu décide du cours des choses.
    Je voulus protester, mais ne trouvai pas les arguments. Elle avait raison. Je ne le savais que trop. Je ne contrôlais pas ma destinée. Je la laissai et m’en fus voir aux préparatifs.
    Pernelle tint parole. Au crépuscule, la totalité des Parfaits de Cabaret, cinq hommes et trois femmes, ainsi que les quarante et un qui avaient survécu aux sévices infligés à Bram, étaient dans la cour. En tout, quarante-neuf personnes que je devais mener en sécurité à Montségur. Pour assurer leur protection, nous étions vingt-quatre. C’était là la seule ponction que j’avais jugé prudent de faire sur les forces de Cabaret. Montbard m’accompagnerait et Ugolin nous guiderait. Malgré ses vives protestations, Landric serait laissé derrière. La forteresse avait besoin d’un soldat expérimenté, apte à mener les hommes si la situation l’exigeait, et nul n’était plus qualifié que lui. Les Parfaites étaient deux par cheval alors que les hommes et les soldats bien armés montaient seuls. Chacun avait attaché à sa selle une petite besace contenant les provisions nécessaires pour le voyage.
    Nous étions au début de juin et la fraîcheur du soir était agréable. Les teintes roses et mauves du soleil couchant donnaient à la forteresse un air féerique qui tranchait avec le tragique de la situation. Le chemin serait long. Au moins cinq fois plus que celui

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