L'Héritage des Cathares
l’insistance de sire Bertrand et de dame Esclarmonde, qui ont pour toi la plus grande estime, il a été décidé de faire une exception. Tu ne porteras pas le manteau à croix pattée, mais tu auras le même statut que chacun de nous. À ce titre, approche et pose maintenant les yeux sur la Vérité.
Les jambes molles comme du chiffon, je vins le rejoindre près de l’autel. Sire Eudes se leva à son tour et apporta un manteau d’un blanc immaculé, sans croix, qu’il posa sur mes épaules.
— LArcana arcanorum 1 t’est désormais accessible. Revêts la couleur de la pureté et de l’innocence pour prendre connaissance de la Vérité.
Tous se levèrent, s’approchèrent de l’autel pour former un cercle et remirent la main sur le cœur. Le vieil homme sortit une clé suspendue à une lanière de cuir. Eudes et Raynal en firent autant.
— Depuis notre maître Hugues, m’expliqua le Magister, trois des nôtres conservent en permanence les clés qui mènent à la Vérité. Eudes et Raynal en sont et Drogon en était aussi. Prends celle-ci. Tu en seras responsable.
Il me la tendit et je l’acceptai en ne pouvant m’empêcher de songer au rêve où j’avais vu Esclarmonde ouvrir cette cassette et en laisser s’échapper une lumière telle qu’elle semblait capable de tout détruire.
— Ensemble, libérez la Lumière !
Eudes, Raynal et moi insérâmes chacun notre clé dans une des trois serrures, puis les fîmes tourner.
— Nolite arbitrari quia venerim mittere pacem in terram ; non veni pacem mittere sed gladium 2 ! s’écrièrent en chœur les huit autres membres de l’Ordre.
Sire Ravier posa la main sur le couvercle de la cassette et l’ouvrit. La Vérité pour laquelle j’étais né, vers laquelle une vie de violence et de péché m’avait conduit et pour laquelle j’étais sorti de l’enfer, le salut de mon âme dans la balance, me fut révélée dans toute sa simplicité.
1
Non pour nous, Seigneur, non pour nous mais pour que ton nom en ait la gloire.
2
Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. Évangile selon Matthieu 10,34.
Chapitre 23 La révélation
La cassette ne contenait ni bijou ni trésor, seulement trois rouleaux de parchemin. Mais pour le Magister, ces objets semblaient être les choses les plus précieuses qui soient. Le templier nommé Jaume s’approcha, tenant dans ses mains un bol d’eau, un chiffon blanc replié sur l’avant-bras. Ravier me les désigna d’un geste.
— Purifie tes mains avant de toucher la Vérité, ordonna-t-il.
Je trempai les mains dans l’eau, me lavai jusqu’aux coudes, puis m’essuyai. Jaume retourna à sa place, déposa le tout près de son fauteuil et se rassit. Avec une révérence infinie, sire Ravier prit un des rouleaux et le sortit de la cassette. À deux mains, il le brandit à la hauteur de ma face, tel un prêtre élevant l’hostie devant les fidèles.
— Depuis presque un siècle, pour ce document, dit-il, nombre d’hommes et de femmes valeureux ont donné leur vie. Traite-le en conséquence.
J’ouvris les mains et il l’y déposa cérémonieusement.
— Je te donne la Vérité, Gondemar de Rossal, membre de l’ordre des Neuf. À toi de mesurer toute sa portée.
Conscient que le moment que je vivais était aussi important pour les membres de l’assistance qu’il était déterminant pour le salut de mon âme, je défis la fine lanière de cuir qui le retenait et le déroulai. Il s’agissait d’un manuscrit d’une seule page, assez ancien si j’en jugeais par son encre délavée. Je me mis à lire.
Au sire Robert de Craon
Cher frère,
La mort m’ayant enfin libéré de la chair et le consolamentum m’assurant la vie éternelle dans la lumière divine, je transfère sur tes épaules le fardeau qui fut le mien au cours des neuf dernières années, sachant qu’elles auront la force d’en porter le terrible poids.
La Vérité, que mes frères et moi découvrîmes jadis dans une petite pièce aménagée sous les ruines du temple du roi Salomon, après un labeur si dur que nous n’y survécûmes que par la force de notre foi, est maintenant ta charge et ton tourment. Tu sais déjà que ce trésor confirme les fondements de notre foi et qu’il a le pouvoir de détruire cette vile supercherie qu’est la chrétienté. Pour l’honneur des familles fondatrices, veille sur lui au prix de ta
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