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L'Héritage des Cathares

L'Héritage des Cathares

Titel: L'Héritage des Cathares Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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déplacer au rythme des attaques et des parades, je vis mes cuisses et mes mollets devenir durs comme des troncs. Je m’habituai petit à petit à cette nouvelle carcasse et appris à en tirer avantage. Le temps et la nature firent aussi leur œuvre. Ma voix se creusa et, sans être encore tout à fait celle d’un homme, elle cessa bientôt de se briser lorsque je parlais pour prendre une sonorité basse et profonde. Sur mes joues, sous mes aisselles et entre mes jambes, quelques poils drus firent leur apparition.
    Je me révélai fort doué. Montbard était un homme de peu de mots, pour qui l’encouragement consistait à augmenter la difficulté et la cadence d’un exercice. Je finis par lire sur son visage une certaine satisfaction face à mes progrès. L’épée qui m’avait paru si lourde s’allégea peu à peu et devint un prolongement naturel de mes bras. Au fil du temps, je la maniai avec une facilité, une agilité et une efficacité croissantes, au point où je devins pour mon maître un adversaire respectable. Après plus d’une année à me traiter comme un forçat, une certaine circonspection avait remplacé sa morgue du début. Je prenais plaisir à maîtriser mon arme et à voir l’étonnement qui traversait parfois son œil valide et une moue admirative se former sur ses lèvres après qu’une de mes attaques l’eut surpris. Je me sentais rempli d’un pouvoir grandissant et j’en éprouvais une grande griserie. Je devenais celui que j’avais juré d’être : un homme qui serait craint et respecté de tous.
    Sans doute pour me conserver une certaine humilité, Montbard semblait prendre un malin plaisir à me placer devant mes limites. Ainsi, un matin, quand j’entrai dans l’étable d’un pas assuré, prêt à entreprendre une nouvelle séance d’entraînement, je fus étonné de le trouver, appuyé négligemment contre une montagne de tonneaux empilés les uns sur les autres sur quatre rangs. Je dus avoir un air particulièrement ahuri, car il éclata de rire.
    —    Que font là ces tonneaux ? demandai-je.
    —    Cette nuit, quelques serfs ont bien voulu contribuer à ta formation, dit-il. Sur mon ordre, ils ont entassé tout cela ici.
    —    Pour quoi faire ?
    —    Pour que tu les déplaces, pardi ! Tu ne crois quand même pas que tout ce vin va servir à désaltérer un jouvenceau de quinze ans ? Un guerrier ne doit pas avoir seulement la force de tenir son épée. Il lui faut aussi de l’endurance, car une bataille s’éternise toujours et il doit être encore debout lorsqu’elle se termine.
    Durant les semaines suivantes, au rythme des invectives de mon maître d’armes, je dus ériger sans cesse de nouvelles montagnes de tonneaux dans l’écurie, les prenant à bras le corps tant que j’en avais la force, les roulant lorsque je n’en pouvais plus de les soulever. Le lendemain, je devais les déplacer à nouveau. Je rentrais chaque jour exténué. Montbard était sans pitié. Il ne cessa son manège que lorsque je parvins à soulever tous les tonneaux et à les déplacer sans défaillir ni prendre de pause. Le lendemain de cet exploit, les maudites barriques avaient disparu.
    À mesure que mes facultés guerrières s’amélioraient et que mon corps se développait, je sentais fleurir en moi une assurance nouvelle. Je voyais bien que les regards que me lançaient les serfs à la dérobée avaient changé. La méfiance s’y trouvait toujours, mais elle était désormais mêlée du respect et de la crainte que j’avais toujours souhaité voir. Si les gens s’écartaient toujours sur mon passage, c’était désormais aussi parce que ma confiance et ma prestance l’imposaient.
    Je trouvai dans le maniement des armes un plaisir insoupçonné. Parfois, lorsque les séances étaient particulièrement viriles, je me retrouvais porté par un instinct que je ne pourrais que qualifier d’animal. Je sentais une fureur profonde et noire monter en moi, un nuage sombre assombrir mon âme. C’est dans ces moments d’extase malsaine que je m’avérais le plus redoutable. Je me sentais alors plus rapide, plus puissant, presque infaillible, et même Montbard semblait parfois peiner un peu à contenir mes assauts. Le contentement que cet état second me procurait me comblait et c’est toujours à regret que je le sentais me quitter.
    Mon sentiment n’échappa pas à l’œil perspicace de Montbard. Un jour, après un exercice particulièrement mouvementé où

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