L'Héritage des Cathares
bénédiction.
— La cassette devait contenir quelque chose d’important alors, suggérai-je, fasciné.
— Je n’ai jamais demandé. Je ne suis qu’un soldat. J’obéis.
— Et depuis ?
Le maître d’armes haussa les épaules.
— Après avoir rempli ma mission, je suis remonté vers le Nord. J’ai erré ici et là en faisant de vils métiers. Je me trouvais en Auvergne quand j’ai rencontré ton père. Le pauvre innocent voyageait seul et il était en train de se faire détrousser par des bandits de grand chemin. Je suis arrivé juste à temps.
— Il sait que. ?
— Que je suis un templier défroqué ? Non. La démonstration que je lui ai faite de mes capacités lui a amplement suffi.
— Comment cela ?
— Ton père est revenu en un seul morceau, non ?
J’étais bouche bée. Mon imagination s’enflammait d’idéaux chevaleresques à l’idée que j’avais près de moi un templier en chair et en os.
— L’Ordre vous manque ?
— Chaque jour que Dieu me donne. Plus que je ne puis l’exprimer. Le Temple était ma vie. Dans mon âme, je demeurerai un templier jusqu’à ma mort. Que je porte ou non la croix pattée sur mon vêtement, elle est gravée dans mon cœur.
Montbard se remit sur pied et brandit son épée.
— Bon ! Assez d’attendrissements, blanc-bec. Nous n’avons pas fini de faire un homme de toi. En garde !
— Vous croyez ? rétorquai-je en me levant à mon tour, le sourire fendu jusqu’aux oreilles. Votre orgueil vous perdra. Je pourrais bien finir par vous éborgner de l’autre côté !
— Voyons cela, mordieu !
Nous reprîmes l’entraînement. Je me sentais rempli d’une ardeur nouvelle à l’idée d’affronter un templier. J’ignorais alors que cet Ordre marquerait si profondément ma vie.
J’avais presque dix-sept ans lorsque mes années d’entraînement entre les mains sévères de Bertrand de Montbard furent enfin mises à l’épreuve. Nous nous exercions comme c’était notre habitude lorsqu’une clameur retentit. Quelques instants plus tard, Odon fit irruption dans l’étable. Notre écuyer avait beaucoup grandi et il me faisait penser à un jeune poulain avec ses jambes trop longues.
— Sieur de Montbard ! s’écria-t-il, tout énervé. Sieur de Montbard ! Des cavaliers approchent ! Le sieur Florent vous mande !
Le maître d’armes mit aussitôt fin à notre séance. Il attrapa sa cotte de mailles, qui était suspendue à un clou, la passa pardessus sa chemise, glissa son épée dans son fourreau de cuir serti de cuivre et se dirigea vers la porte. Il se retourna vers moi et fronça les sourcils en constatant que je l’imitais.
— Reste ici, ordonna-t-il.
— Vous n’y pensez pas ! m’insurgeai-je.
— La protection de Rossal est ma tâche, pas la tienne.
— J’en suis le seigneur !
— Pas encore.
— Mais.
— Suffit !
Sans rien ajouter, il sortit et referma derrière lui, me laissant seul et frustré. Ne m’étais-je soumis à presque trois années d’un entraînement infernal que pour devoir me terrer comme une femmelette au premier danger ? N’avais-je pas prouvé que j’étais désormais en mesure de livrer combat aussi bien que quiconque et mieux que la plupart ? Défendre la seigneurie qui serait bientôt mienne n’était-il pas une question d’honneur ? Rageur, je donnai un grand coup de pied dans la porte de l’étable. Odon, qui se tenait à l’écart, avait les yeux écarquillés de terreur.
J’entrouvris la porte pour observer la scène qui se déroulait sur la place. Six hommes à cheval s’y trouvaient. Celui qui se tenait à leur tête portait une pique au bout de laquelle flottait l’étendard bleu azur parsemé de fleurs de lys dorées du roi Philippe II Auguste. Le fait qu’il s’agisse de soldats du roi n’augurait rien de bon. Souvent, une fois revenus de Terre sainte, désœuvrés et ne connaissant d’autre façon de gagner leur vie, ils avaient la fâcheuse habitude de brigander.
Devant eux se tenaient mon père, le père Prelou et Bertrand de Montbard. Un peu en retrait à gauche de Florent, mon maître était immobile, la main posée sur le pommeau de son arme. Je savais pertinemment qu’il évaluait les moindres détails de l’armement de ses adversaires potentiels, déterminant qui parmi eux était droitier ou gaucher, léger ou obèse, malade ou en santé.
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