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L'Héritage des Cathares

L'Héritage des Cathares

Titel: L'Héritage des Cathares Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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Je souris en constatant qu’il s’était placé de manière à ce que les soldats se trouvent dans le champ de vision de son œil valide.
    —    Je suis Florent de Rossal, seigneur du lieu. Qui va là ? demanda mon père.
    —    Des soldats du comte de Blois, vassal de Sa Majesté Philippe II, roi de France, de retour de Terre sainte.
    —    Dieu vous bénisse, mes enfants, d’avoir combattu pour rendre aux chrétiens la terre que Notre-Seigneur Jésus a foulée, dit le père Prelou en traçant pieusement le signe de la croix en direction des soldats.
    —    Que pouvons-nous faire pour vous ? s’enquit mon père.
    —    Mes hommes et moi avons faim.
    —    Notre village n’est pas riche, mais nous partagerons avec plaisir le peu que nous possédons.
    Florent se retourna vers un serf.
    —    Qu’on apporte à ces hommes un jambon, un quignon de pain et une outre de vin.
    Je ressentis de la honte et du mépris en réalisant que mon père tentait d’amadouer ces hommes plutôt que de les chasser, comme c’était son droit et son devoir. Quelques minutes s’écoulèrent dans un silence lourd et inconfortable. À l’affût, Montbard garda l’œil rivé sur les intrus, guettant leurs moindres gestes. À plusieurs reprises, son regard croisa celui du porte-étendard et une rivalité presque palpable s’établit tacitement entre les deux. Bientôt, le serf revint, les victuailles commandées enfouies dans un sac de toile. Un des soldats les saisit et chargea le tout sur l’arrière de sa selle.
    —    Voilà, dit mon père d’une voix où perçait la crainte. Passez votre chemin maintenant, et que Dieu vous garde.
    Au lieu d’obtempérer, le porte-étendard fit la moue et, l’air fanfaron, porta la main sur la poignée de son épée. Montbard se raidit imperceptiblement.
    —    Pour produire si aisément toute cette mangeaille, ce village doit être plus riche qu’il ne le paraît. M’est avis, sire, que vous et vos serfs avez omis de verser quelques tailles. Je vais donc la percevoir illico au nom de Sa Majesté.
    Il adressa un signe de tête à ses hommes, qui tirèrent leur arme à l’unisson. L’un d’eux fit claquer les rênes de sa monture pour la faire avancer. Puis la violence éclata et enveloppa Rossal.
    Avec une vitesse presque surnaturelle, Montbard dégaina et frappa la cuisse du cavalier, la tranchant si net que sa lame s’enfonça jusque dans le poitrail du cheval. Les hennissements de douleur de la bête se mêlèrent aux hurlements de l’homme alors que les deux s’effondraient au sol. Avant qu’un second soldat ne fonce sur lui, l’ancien templier avait déjà dégagé son épée et avait repris sa position de défense. Le cheval de bataille allait le frapper de sa large poitrine lorsque, au dernier instant, il bondit de côté pour l’éviter. Transférant son arme dans sa main gauche, il traça un arc de cercle avec sa lame et coupa les tendons de la patte arrière de la bête, qui écrasa son cavalier sous son poids.
    —    Va foutre cul-Dieu, mangeur de pendeloche ! hurla Montbard d’une voix de possédé. Relief de Sarrasin ! Va te faire gomorrhiser !
    À ces jurons, je compris que le templier qu’il était remontait à la surface dans le feu de la bataille. Entre-temps, les quatre autres soldats étaient descendus de leurs montures. Tirant leurs armes, ils eurent tôt fait d’encercler Montbard, qui dut bloquer une avalanche de coups. Je maudis la presse avec laquelle il avait quitté l’étable sans prendre le temps d’emporter son écu. Son côté gauche, déjà handicapé par son œil crevé, en était doublement vulnérable. Si j’étais parvenu à tirer avantage de cette infirmité, des soldats expérimentés pouvaient faire encore pire. Déjà, trois d’entre eux avaient remarqué son état et s’acharnaient sur son côté faible.
    —    Reste ici, ordonnai-je à Odon.
    Je m’élançai hors de l’étable et courus vers Montbard, qui résistait admirablement, mais qui ne pouvait pas tenir le coup indéfiniment. Si je lui sauvais la vie, il pourrait bien me tanner la peau du dos autant qu’il le voudrait pour me punir. Je n’en avais cure.
    Concentrés qu’ils étaient à attaquer le défenseur de Rossal et à éviter d’avoir la panse ouverte par ses répliques, les soldats ne me virent pas venir. L’un d’eux allait frapper mon maître dans le dos lorsque j’allongeai mon arme et bloquai le coup. Bandant mes

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