L'Héritage des Cathares
Lorsque j’émergeai de la pénombre dans laquelle mon esprit s’était égaré, il était toujours là, partageant ma douleur. Nous retournâmes auprès de Prelou et je l’interrogeai à nouveau.
— Que s’est-il passé ? demandai-je, hors de moi. Les habitants n’ont-ils pas résisté ?
Le prêtre secoua mollement la tête.
— Je. l’ai, interdit, râla-t-il.
Je l’empoignai rudement par sa bure ensanglantée.
— Quoi ?
— Non... occides 3 . mon fils. La violence engendre. la violence. Un bon chrétien doit se. soumettre à la. volonté. de Dieu. S’il. trouve la mort. aux mains de brigands. il y gagnera aussi. le salut. J’ai ordonné aux. villageois de ne pas. combattre. Facile. Personne ne. désirait lutter. pour. toi.
Je le frappai violemment contre le mur. Dans l’état où il était, il sembla à peine le sentir.
— Comment as-tu pu ? m’écriai-je. Et où est ma mère ?
— Emmenée. râla-t-il.
La rage que je ressentis n’était à nulle autre pareille. Jamais je n’avais envisagé que le désaccord du père Prelou face à nos mesures de protection puisse mener à de telles conséquences. Par sa naïveté, par sa piété stupide, il avait causé cette atrocité.
— Où sont les villageois ? demandai-je d’une voix tremblante d’indignation. Où se cachent-ils tous ?
Pour toute réponse, Prelou, à un cheveu de l’inconscience, désigna du pouce l’église derrière lui. Je me relevai et me dirigeai d’un pas lourd de colère vers les portes de l’édifice. Je tentai de les pousser, mais elles résistèrent. Les villageois enfermés à l’intérieur les avaient sans doute entravées avec des poutres pour se protéger. Pour en avoir le cœur net, je frappai et des murmures effrayés me parvinrent. Ils croyaient sans doute que les brigands étaient encore là.
Ivre de rancœur, je me rendis près des ruines fumantes de la maison la plus proche, ramassai un bout de planche encore enflammé et revins à l’église. La seule chose à laquelle je pouvais penser était que les méprisables couards qui se trouvaient à l’intérieur avaient refusé de combattre pour défendre ce qui était leur et s’étaient laissé docilement enfermer ; qu’à cause de leur lâcheté, Rossal était en ruines. Je n’avais plus rien. Ils m’avaient détruit et je leur rendrais la pareille.
Montbard comprit ce que j’entendais faire.
— Gondemar, dit-il en me saisissant fermement le bras. Ces gens ne sont pas des soldats. Nous avons été naïfs d’espérer autre chose d’eux et du prêtre. Ne tue pas par plaisir. Je t’en conjure, ne deviens pas une bête.
D’un geste brusque, je me défis de son emprise et brandis ma torche vers le bâtiment.
— Non ! s’écria mon maître. Odon est là-dedans !
Il me saisit à bras-le-corps, bien décidé à me retenir aussi longtemps qu’il le faudrait pour que ma colère se calme. Ses bras m’enserrèrent et ma torche improvisée m’échappa. Je le repoussai et il se retrouva sur le dos. Sa tête heurta une pierre et il resta sur le sol, sonné. Les trois villageois, indécis jusque-là, transgressèrent leur statut de serfs et se précipitèrent vers moi. Malheureusement pour eux, ils n’étaient pas de taille. Je brandis mon arme et, en un rien de temps, tous gisaient sur le sol, le ventre transpercé.
J’avais à peine terminé cette sale besogne que Montbard se tenait à nouveau devant moi, l’épée au clair, cette fois. L’expression de son visage était sans équivoque. Il hurla et se jeta sur moi, faisant pleuvoir les coups dans toutes les directions. Je résistais de mon mieux, tentant de contre-attaquer, mais la rage qu’il y mettait était désespérée. Il était redevenu un templier féroce et assassin. L’affrontement dura de longues minutes, son arme me frôlant à maintes reprises. Malgré moi, je reculai. Un coup de poing au visage me fit tourner la tête et je me retrouvai le dos appuyé à l’église. Tel un fauve, Montbard profita de mon étourdissement pour m’appuyer le tranchant de son épée sur la gorge, assez fort pour en tirer le sang.
— Jamais je ne laisserai mon apprenti assassiner des innocents. Tu entends ? grommela-t-il, son œil valide brillant de colère. Jamais ! Tu es devenu un monstre, mais cela s’arrête ici, maintenant. Pardieu, je te tuerai s’il le faut.
Je profitai du fait que sa posture exposait le bas de son corps
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