L'Héritage des Cathares
narquois sur les lèvres. Onfroi.
— Tu vois ? Comme tu me l’avais intimé, je n’ai jamais oublié ton nom.
Il m’administra un puissant coup de pied au ventre qui me fit perdre le souffle. Les yeux pleins d’eau, je continuai de le dévisager, ma colère et mon orgueil étant plus forts que ma douleur.
— Tu as aimé la petite surprise que j’ai laissée pour toi ? s’enquit-il. Dis-moi, tu as pleuré en voyant ce qu’il restait de ton père ? Et ta maman ? Tu l’as rencontrée sur ta route ?
— J’aurai ta peau, chiure de merde, grognai-je, les dents serrées.
Autour de nous, tous les brigands s’étaient maintenant regroupés.
— Libérez-le, ordonna Onfroi.
Pendant qu’on me dépêtrait du filet, je me maudis. Le coquin était encore plus sournois que je ne l’avais cru. Il m’avait appâté comme le dernier des idiots. Lorsque je fus libéré, je fis mine de me relever. Un pied m’atteignit entre les omoplates et me fit retomber à genoux. Onfroi s’accroupit près de moi. La lune éclairait la marque sur son front.
— Tu te souviens de ceci ? demanda-t-il en la désignant. Et de ça ? ajouta-t-il en brandissant son moignon. Tu croyais vraiment que j’allais t’oublier ? C’est bien mal me connaître.
Il m’écrasa le nez de son poing et des étoiles multicolores illuminèrent la nuit. Lorsque je vis à nouveau clair, deux objets que j’eus besoin de quelques instants pour reconnaître, ma raison s’y refusant, gisaient sur le sol devant moi. Le visage flasque et exsangue, Florent et Nycaise posaient sur moi un regard fixe dans lequel semblait brûler le reproche. Un cri d’animal blessé remplit la forêt et me sembla durer une éternité. Il me fallut un moment pour réaliser que j’étais celui qui l’avait émis.
— Tu aimes ma collection de têtes ? ricana Onfroi. Dans un instant, j’aurai toute la famille de Rossal.
Autour de lui, les brigands éclatèrent de rire. On me lia les chevilles, puis les mains derrière le dos. On me pencha la tête vers l’avant. Comprenant ce qu’on allait me faire, je ne trouvai pas la force de résister. Je me sentais amorphe. Vide. Dénué de toute volonté. Vaincu. Je n’avais personne. Je n’avais plus le goût de vivre et sans doute ne le méritais-je pas non plus. Puis je me sentis rempli de haine et relevai la tête pour vriller mes yeux dans ceux d’Onfroi.
— Tue-moi si tu veux, dis-je. Par tous les démons de l’enfer, je jure que je reviendrai pour t’occire.
Puis je baissai docilement la tête, présentant ma nuque. Du coin de l’œil, je vis l’épée qu’Onfroi élevait d’une seule main dans les airs. Je perçus l’éclair de la lune sur le métal froid. Je sentis la lame qui tranchait ma chair. La dernière chose que j’entendis fut les cris de célébration des brigands. Puis le noir m’enveloppa.
Chapitre 8 La damnation
Ce fut le froid qui me réveilla. Un froid intense et pénétrant qui semblait s’être insinué jusqu’au creux de mes os. Avant même d’ouvrir les yeux, je sentis que mes dents claquaient et que je tremblais comme une feuille. Je me recroquevillai et m’enveloppai de mon mieux avec mes bras. L’esprit embrumé, je ne comprenais pas ce qui m’arrivait.
Quelques vagues souvenirs remontèrent à la surface de ma conscience et s’ordonnèrent pour former un tout plus ou moins cohérent. Mon voyage à la foire. Notre retour à Rossal. Mes parents torturés. La torche de fortune que j’appliquais au bois sec et les flammes qui enveloppaient l’église. Le rejet de Montbard. Ma course sur la piste des brigands. Les têtes de Florent et Nycaise posées devant moi en un spectacle obscène. L’épée d’Onfroi qui fendait l’air et s’abattait sur ma nuque. Les ténèbres.
J’inspirai un grand coup et ouvris les yeux. Des sueurs froides coulaient sur mon visage et dans mon dos, trempant ma chemise. Je grelottais. Pourtant, si je pensais, j’étais forcément vivant. Comment cela était-il possible ? Onfroi m’avait décapité. Hébété, je m’assis avec peine et tâtai ma nuque d’une main tremblante. Ma tête était toujours solidement attachée sur mes épaules. Un rire nerveux et soulagé s’échappa de ma gorge. Avais-je fait un cauchemar ?
Le souffle de mon rire forma de la buée devant mes yeux. Intrigué, je regardai autour de moi. J’étais au beau milieu de nulle part, dans une demi-pénombre. L’horizon
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