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L'Héritage des Cathares

L'Héritage des Cathares

Titel: L'Héritage des Cathares Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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celui qui se trouvait à Rossal depuis au moins neuf générations étant depuis longtemps désuet. Ainsi équipée, la seigneurie pourrait non seulement moudre plus efficacement son propre grain, mais aussi louer son moulin aux seigneuries environnantes et en tirer des revenus substantiels. Je prévoyais aussi construire une nouvelle étable, plus grande, notre cheptel de chevaux s’étant considérablement accru au fil des ans. Le reste des profits serait versé au trésor seigneurial.
    J’avais donc le cœur léger lorsque nous parvînmes non loin de Rossal. Puis il se serra. Au loin, une épaisse colonne de fumée montait vers le ciel et masquait partiellement le soleil. Montbard et moi nous raidîmes en même temps.
    —    Morbleu, grogna-t-il. Ça vient du village.
    Nous lançâmes nos montures au galop, les trois villageois nous emboîtant le pas. L’épée au clair, nous filâmes comme le vent et surgîmes sur la place. Rossal était désert. Un silence oppressant l’enveloppait. Même les oiseaux de la forêt semblaient avoir disparu. Les maisons que j’avais laissées derrière moi deux semaines auparavant n’étaient plus que des ruines fumantes. Quelques cadavres traînaient çà et là, mais trop peu. Tout à coup, la richesse que je ramenais de mon voyage n’avait plus d’importance.
    Dans un état second, je descendis de ma monture et, la bouche sèche, franchis la centaine de pas qui me séparaient de l’église. Montbard m’emboîta le pas. Nous trouvâmes le père Prelou adossé à l’église. On lui avait percé l’abdomen et le sang s’écoulait paresseusement entre ses doigts posés sur la blessure. Son visage ridé était d’une pâleur cadavérique et ses yeux étaient fermés. Il haletait. De toute évidence, il n’en avait plus pour longtemps. Je m’agenouillai à ses côtés et posai une main sur son épaule.
    —    Père Prelou ? Vous m’entendez ?
    Ses paupières frémirent à quelques reprises et il posa sur moi des yeux déjà recouverts du voile de la mort imminente.
    —    Gondemar... mon garçon, haleta-t-il, sa voix à peine plus forte que le battement d’ailes d’un papillon.
    Il ravala difficilement et tenta de parler, mais en fut incapable. Je me tournai vers un des hommes qui étaient revenus avec nous.
    —    De l’eau.
    Le serf tourna les talons, courut vers le puits au centre de la place, saisit la louche de bois qui y était toujours accrochée et la ramena rase. Je soutins la nuque du prêtre d’une main et l’abreuvai. Il avala quelques gorgées et sembla revivre un peu.
    —    Les brigands. murmura-t-il d’une voix faible. Arrivés. à l’aube. Menés par. le géant. celui qui a. éventré Papin. manquait. la main. droite.
    Mon cœur se serra. Onfroi. D’une main tremblante, Prelou se signa faiblement.
    —    Ils ont tout. pris. Et. tes parents.
    Je suivis son regard et mon sang se glaça. Une forme était suspendue aux lourdes portes de bois. Je courus à toutes jambes vers ma demeure et m’arrêtai net, abasourdi. Le corps décapité avait été crucifié avec de longs clous de charpentier, tel un Christ sacrilège, mais je n’eus pas de mal à reconnaître Florent. On lui avait retiré ses braies. Son membre viril avait été amputé et traînait à ses pieds.
    Même dans l’état second où je me trouvais, le symbolisme que recelait la scène ne m’échappait pas. C’est à moi que l’ignoble message était adressé. On lui avait tranché la tête, là même où j’avais marqué Onfroi. On s’était attaqué à l’organe qui m’avait enfanté. Ce n’était pas le seigneur de Rossal que l’on avait martyrisé ainsi, mais mon père. Mon père. Nous nous étions respectivement méprisés et craints plus qu’aimés, mais le monde que je m’étais construit se définissait par son existence. Je mesurais mon efficacité de seigneur à l’aune de son apathie. Mon héritage à venir, je le tenais de lui. Et voilà qu’il n’était plus. On l’avait lâchement assassiné et on avait profané sa dépouille. On avait détruit mon héritage. Tout cela pour se venger de moi.
    —    Comment. bredouillai-je. Les habitants. Les piques. L’entraînement. Nous avions tout prévu.
    Je sentis une main se poser sur mon épaule. Dans la pression ferme et rassurante que Montbard exerçait, je sentais sa familiarité avec l’horreur. J’ignore combien de temps il se tint ainsi près de moi après m’avoir rejoint.

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