L'Héritage des Templiers
déplacés pour un monument aussi solennel.
« Étrange, n’est-ce pas ? Lorsqu’ils ont été installés en 1887, ils n’étaient pas d’une grande originalité. On trouve pratiquement les mêmes à Rocamadour. C’est la maison Giscard de Toulouse qui a moulé les deux séries. On a tout dit à leur sujet. Pour ceux qui voient des complots partout, ils auraient une origine franc-maçonne ou représenteraient une espèce de carte au trésor. Rien de tout cela n’est vrai. Mais ils véhiculent certains messages. »
Malone nota certains détails curieux : l’esclave noir qui présente une cuvette d’eau à Ponce Pilate ; le voile recouvrant la chevelure de Ponce Pilate ; un personnage qui sonne de la trompe au moment où le Christ tombe avec sa croix ; un fanion frappé de trois disques d’argent ; un enfant que l’on présente à Jésus drapé dans un tissu écossais ; un soldat romain jouant aux dés la tunique rouge de Jésus, les nombres trois, quatre et cinq clairement lisibles.
« Cotton, regardez la quatorzième station », l’encouragea Mark en désignant le mur sud.
Malone s’approcha de l’entrée. La flamme des cierges dansait devant l’autel et il aperçut le bas-relief placé devant. Une femme, Marie-Madeleine, supposa-t-il, éplorée, agenouillée dans une grotte devant une croix faite de branchages. Au pied de la croix, un crâne ; Malone pensa immédiatement à celui du tableau de Valdés Leal vu la veille en Avignon.
Il se retourna pour étudier la quatorzième station : on y voyait deux hommes transportant le corps du Christ sous les yeux de trois femmes éplorées, le tout sur fond de montagne éclairée par la pleine lune.
« Jésus est mis au tombeau, murmura Malone.
— Selon la loi romaine, un crucifié n’avait pas droit à une sépulture. Ce mode d’exécution était réservé aux individus coupables de crimes contre l’empire ; l’accusé mourait à petit feu sur la croix – la crucifixion, exécution publique, prenait plusieurs jours – et son corps était finalement livré aux charognards. Pourtant, Ponce Pilate aurait accepté que Joseph d’Arimathie récupère le corps de Jésus pour pouvoir l’inhumer. Vous êtes-vous jamais demandé pourquoi ?
— Pas vraiment, non.
— D’autres l’ont fait. N’oubliez pas que le Christ a été tué la veille du sabbat et ne pouvait donc, conformément à la Loi, être inhumé après le coucher du soleil. »
Malone ne comprenait toujours pas où Mark voulait en venir.
« Et si, au lieu d’être mis au tombeau, on l’en tirait à la faveur de la nuit ? fit Mark, sans provoquer de réaction chez Malone. Les Évangiles gnostiques vous sont-ils familiers ? »
Malone en avait entendu parler, en effet. En 1945, sur les rives du Nil, un paysan bédouin à la recherche d’engrais naturel découvrit un squelette humain et une jarre de terre cuite scellée. Pensant qu’elle contenait de l’or, il la brisa et découvrit treize codex à reliure de cuir. Pas vraiment des livres, mais des ancêtres assez proches. Les pages abîmées, couvertes de texte en copte ancien, avaient été méticuleusement copiées, vraisemblablement par les moines du monastère pacomien voisin. Il s’agissait de quarante-cinq manuscrits chrétiens composés au II e siècle ; les codex eux-mêmes dataient du IV e siècle. Certains furent ensuite égarés, utilisés comme combustible, on se débarrassa de certains autres, mais, en 1947, un musée local fit l’acquisition de ce qu’il en restait.
Il fit part à Mark de ce qu’il savait.
« L’histoire nous permet d’expliquer pourquoi les moines ont enterré les codex, continua le jeune homme. Au IV e siècle, Athanase, évêque d’Alexandrie, fit parvenir à toutes les églises d’Égypte une encyclique par laquelle il décrétait que seuls les vingt-sept livres récemment choisis pour constituer le Nouveau Testament pouvaient porter l’appellation de Saintes Écritures. Tous les autres livres hérétiques devaient être détruits. Aucun des quarante-cinq livres contenus dans cette jarre n’était conforme à cet édit, aussi les moines du monastère édifié par saint Pacôme décidèrent-ils de les cacher au lieu de les brûler, en attendant qu’un changement s’opère au sommet de l’Église. Mais, bien évidemment, aucun changement ne se produisit. L’Église romaine catholique prospéra. Grâce à Dieu, les codex ont été sauvés. Ce sont les
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