L'Héritage des Templiers
rez-de-chaussée, les deux étages suivants servaient d’entrepôts et son petit appartement occupait le quatrième.
Il s’était habitué à l’espace exigu et l’appréciait bien plus que la maison de cent quatre-vingt-cinq mètres carrés qu’il possédait autrefois dans le nord d’Atlanta et dont la vente l’année passée pour un peu plus de trois cent mille dollars lui avait laissé soixante mille dollars à investir dans sa nouvelle vie, vie rendue possible, comme l’avait souligné Stéphanie avec une certaine agressivité, par « son nouveau bienfaiteur danois », un curieux bonhomme dénommé Henrik Thorvaldsen.
Un inconnu treize mois plus tôt, son ami le plus intime aujourd’hui.
Le courant était passé entre eux dès leur première rencontre, le vieil homme ayant vu quelque chose chez Malone – quoi ? Ce dernier n’aurait su le dire, et pourtant… Si bien que leur entretien, un jeudi soir pluvieux à Atlanta, avait scellé leur destin. Stéphanie avait insisté pour qu’il prenne un mois de vacances après le procès au Mexique de trois trafiquants internationaux impliqués dans l’exécution d’un directeur de la Drug Enforcement Agency, service américain de lutte contre le trafic de drogue, ami intime du président des États-Unis ; malheureusement, cette décision avait entraîné un véritable carnage. Alors qu’il retournait au tribunal pendant sa pause déjeuner, Malone avait été pris dans un échange de tirs au cours d’une tentative d’assassinat, incident complètement étranger au procès mais qu’il avait essayé de maîtriser. Il lui en avait coûté une balle dans l’épaule. Résultat des courses : sept morts, neuf blessés ; un jeune diplomate danois, Cai Thorvaldsen comptait au nombre des victimes.
« Je suis venu vous parler en personne », lui avait dit Henrik Thorvaldsen.
Il se trouvait dans le salon de Malone dont l’épaule lui faisait un mal de chien. Il ne prit même pas la peine de demander à Thorvaldsen comment il l’avait retrouvé ni comment le vieil homme savait qu’il comprenait le danois.
« Je tenais énormément à mon fils, dit le vieil homme. Lorsqu’il a intégré le corps diplomatique de notre pays, j’ai été enchanté. Il a demandé à être affecté à Mexico City. Il se passionnait pour la civilisation aztèque. Il aurait fait un excellent député, un jour. Il avait l’étoffe d’un homme d’État. »
Les premières impressions se bousculaient dans l’esprit de Malone. Thorvaldsen était certainement issu d’une grande famille, vu son air distingué, mélange d’élégance et de légèreté. Mais la sophistication de son esprit offrait un contraste saisissant avec son corps tordu, sa colonne vertébrale déformée par une bosse grotesque, caricaturale, la raideur de sa démarche qui lui donnait l’air d’un héron. Son visage marqué laissait deviner toute une vie passée à faire des choix impossibles ; ses rides ressemblaient davantage à des crevasses, les pattes-d’oie se ramifiaient à l’infini, des taches brunes et l’entrelacs de veines bleutées lui décoloraient les bras et les mains. Il avait une épaisse tignasse couleur d’étain, comme ses sourcils broussailleux qui lui donnaient l’air inquiet. C’est dans son regard seul que l’on percevait un peu de passion. Des yeux gris-bleu, étrangement clairvoyants, dont l’un était recouvert d’un voile de cataracte en forme d’étoile.
« Je suis venu rencontrer l’homme qui a abattu l’assassin de mon fils.
— Pourquoi ? demanda Malone.
— Pour vous remercier.
— Vous auriez pu appeler.
— Je préfère les face-à-face.
— Pour l’instant, j’aimerais mieux rester seul.
— Si j’ai bien compris, vous avez frôlé la mort. »
Malone haussa les épaules.
« Et vous démissionnez. Vous renoncez à votre poste. Vous quittez l’armée.
— Vous êtes extrêmement bien renseigné.
— Le savoir est le plus grand des luxes.
— Merci pour votre compassion. J’ai pris une balle dans l’épaule et je souffre. Alors, maintenant que vous m’avez dit merci, pourriez-vous me laisser ? »
Thorvaldsen n’avait pas bougé du canapé. Il s’était contenté de jeter un regard circulaire au salon et aux autres pièces visibles à travers une porte voûtée. Le moindre pan de mur était recouvert de livres. La maison ne semblait pas avoir d’autre fonction que celle d’accueillir les étagères.
« Moi
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