L'Héritage des Templiers
quatre-vingt-six préceptes régissait la vie des frères Templiers. La chasse était interdite, même la fauconnerie, ainsi que tout jeu de hasard et d’argent. On parlait peu, il était interdit de rire. Les ornements étaient interdits. Les chevaliers dormaient la lumière allumée et vêtus d’une tunique, prêts à en découdre .
Le maître jouissait d’une autorité absolue. Venait ensuite le sénéchal qui le secondait et le conseillait. Le maréchal commandait les troupes sur le champ de bataille. Les artisans, ouvriers et domestiques qui soutenaient les chevaliers et constituaient l’épine dorsale de l’ordre étaient baptisés sergents, servientes en latin. Par décret papal datant de 1146, les chevaliers étaient tenus de revêtir un manteau frappé d’une croix pattée rouge. C’était le premier corps d’armée professionnel hiérarchisé, équipé et soumis à des règles depuis l’Empire romain. Les Templiers prirent part aux croisades successives, toujours en première ligne, quittant le champ de bataille les derniers, préférant la mort à la capture. Ils croyaient que donner leur vie à l’ordre rachèterait leurs péchés aux yeux de Dieu. Au cours des deux siècles de guerre, vingt mille moines soldats se sacrifièrent sur le champ de bataille .
En 1139, une bulle plaça l’ordre sous l’autorité exclusive du pape, lui permettant ainsi d’agir en toute liberté à travers le monde chrétien, sans se soumettre aux monarques locaux. C’était une décision sans précédent, et la fortune de l’ordre se mit à croître proportionnellement à son pouvoir politique et économique. Certains souverains et patriarches lui léguaient d’importantes sommes. L’ordre consentait des prêts à certains barons et marchands à condition que leurs châteaux, leurs terres, leurs vignobles et leurs jardins lui reviennent à leur mort. La sécurité des pèlerins en Terre sainte était assurée en échange de généreuses donations. Au début du XIV e siècle, les Templiers rivalisaient avec les Génois, les Lombards et même les Juifs dans le domaine bancaire. Les coffres-forts de l’ordre abritaient le trésor des rois de France et d’Angleterre. Les Sarrasins eux-mêmes lui confiaient leurs richesses .
Le Temple, à Paris, devint la principale place financière mondiale. L’ordre se mua lentement en organisation financière et militaire, à la fois indépendante financièrement et autogérée. Les biens de l’ordre, environ neuf mille propriétés, finirent par être complètement exemptés d’impôts, et cette exception conduisit à des conflits avec le clergé local qui pâtissait de la mesure tandis que les terres des Templiers prospéraient. La compétition avec les autres ordres monastiques, en particulier les Hospitaliers, ne faisait qu’accroître la tension .
Au cours des XII e et XIII e siècles, la Terre sainte passa tour à tour sous le contrôle des chrétiens et des musulmans. Avec l’accession au pouvoir de Saladin, premier grand chef militaire arabe, Jérusalem finit par tomber en 1187. Dans le chaos qui s’ensuivit les Templiers se replièrent à Acre, ville fortifiée située sur les rives de la Méditerranée. Pendant le siècle qui suivit, ils s’étiolèrent en Terre sainte mais prospérèrent en Europe où ils établirent un vaste réseau d’églises, d’abbayes et de propriétés. Avec la chute d’Acre, en 1291, l’ordre perdit à la fois sa dernière base en Terre sainte et sa raison d’être .
Son strict culte du secret qui l’avait distingué à l’origine finit par encourager la diffamation. En 1307, Philippe le Bel, qui convoitait l’immense fortune de l’ordre, ordonna l’arrestation d’un grand nombre de chevaliers. De nombreux monarques l’imitèrent bientôt. Sept années d’enquête et de procès s’ensuivirent. Le pape Clément V supprima officiellement l’ordre en 1312. Le coup de grâce fut porté le 18 mars 1314 lorsque le dernier maître des Templiers, Jacques de Molay, fut brûlé vif sur le bûcher .
Malone poursuivit sa lecture. Un détail le turlupinait toujours, quelque chose qu’il avait lu en feuilletant le livre pour la première fois quelques semaines plus tôt. Au hasard des pages, il apprit que, avant sa suppression, l’ordre était passé maître dans l’art de la navigation, de la gestion immobilière, de l’élevage, de l’agriculture et surtout des finances. Même si l’Église interdisait les
Weitere Kostenlose Bücher