L'Héritage des Templiers
accueillait les touristes qui venaient apprendre ici tous les secrets de la vie monastique. L’abbaye recevait peu d’hôtes, quelques milliers par an tout au plus, et le modeste revenu qu’elle en tirait contribuait à couvrir les dépenses annuelles. Malgré tout, les touristes étaient suffisamment nombreux pour que l’on s’emploie à préserver l’intimité des moines.
La pièce vers laquelle il se dirigeait était située au bout d’un autre couloir du rez-de-chaussée. Ornée de fer forgé remontant au Moyen Âge, la porte qui y menait restait toujours ouverte. Il pénétra dans la bibliothèque.
Rares étaient les collections absolument complètes, mais les innombrables volumes qui l’entouraient à présent avaient été préservés sept siècles durant. Riche d’une vingtaine de titres seulement à l’origine, la collection avait grossi au fil des dons, des legs, des acquisitions et, à l’origine de l’ordre, grâce au travail de copistes qui œuvraient jour et nuit. La collection avait toujours couvert une importante variété de sujets avec cependant une prédilection pour la théologie, la philosophie, la logique, l’histoire, le droit, la science et la musique. La devise latine gravée au-dessus de l’entrée principale était tout à fait appropriée. CLAUSTRUM SINE ARMARIO EST QUASI CASTRUM SINE ARMAMENTARIO : un monastère sans bibliothèque équivaut à un château sans armurerie.
Il tendit l’oreille.
Personne alentour.
La sécurité de la collection ne suscitait pas la moindre inquiétude puisque la règle vieille de neuf cents ans s’était avérée plus qu’efficace pour la garantir. Aucun des moines n’oserait pénétrer dans la bibliothèque sans autorisation. Mais lui n’était pas un simple moine. Il était sénéchal, et le serait pendant quelques heures encore.
Il se faufila entre les rayonnages pour atteindre le fond de l’immense salle et fit halte devant une porte métallique. Il passa une carte magnétique dans le lecteur fixé au mur. Seuls le maître, le maréchal, l’archiviste et lui-même en possédaient une. Il fallait l’autorisation expresse du maître pour pouvoir accéder aux volumes que renfermait cette pièce. Même l’archiviste devait montrer patte blanche avant d’y pénétrer. Les documents de valeur y étaient entreposés : chartes anciennes, titres de propriété, registre des membres de l’ordre et, document précieux entre tous, les chroniques relatant l’histoire de l’ordre depuis sa création. À l’instar des minutes qui immortalisent l’œuvre du Parlement britannique ou du Congrès américain, elles détaillaient par le menu les succès et les échecs de l’ordre. Il restait un certain nombre de volumes aux couvertures fragiles et aux fermoirs d’airain. Ils ressemblaient à de minuscules coffres, mais l’essentiel des informations avait été scanné, et passer en revue les neuf cents ans d’histoire de l’ordre était devenu un jeu d’enfant.
Il entra, parcourut des yeux les rayonnages sombres et trouva le codex à sa place désignée. Deux ans plus tôt, il était tombé sur ce minuscule volume aux pages fixées à des planchettes de bois recouvertes de vélin. Pas exactement un livre, plutôt une première tentative destinée à remplacer les rouleaux de parchemin et permettant d’utiliser les deux pages des feuillets.
Il ouvrit l’ouvrage avec précaution.
Il n’y avait pas de page de titre ; une bordure écarlate, vert et or encadrait les phrases manuscrites en latin. D’après ce qu’il avait appris, l’ouvrage avait été copié par l’un des scribes de l’abbaye. La plupart de ces antiques codex avaient disparu, le parchemin ayant servi à recouvrir d’autres livres, à sceller des bocaux ou à alimenter un feu de cheminée. Heureusement, celui-ci avait survécu. Les informations qu’il contenait n’avaient pas de prix. Le sénéchal n’avait jamais parlé à personne de ce qu’il avait découvert entre ces pages, pas même au maître, et comme il pourrait avoir besoin de ces informations et qu’une meilleure opportunité ne se représenterait pas, il glissa le livre entre les plis de sa chasuble.
Une rangée plus loin, il repéra un autre fin volume, lui aussi manuscrit, mais à la fin du XIX e siècle. Il n’était pas destiné à être lu, il s’agissait plutôt d’un journal de bord. Il en aurait peut-être besoin, aussi le glissa-t-il dans sa chasuble.
Il quitta la bibliothèque,
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