L'Héritage des Templiers
moines ; en outre, elle disposait d’une acoustique quasi parfaite.
De Rochefort releva la tête et regarda les quatre autres officiers dans les yeux. Le commandeur, également intendant et trésorier, était un ami. De Rochefort avait passé des années à cultiver sa relation avec cet homme distant et espérait que ses efforts seraient bientôt récompensés. Le frère drapier, chargé de gérer la garde-robe des frères, était prêt à soutenir sa cause. En revanche, il avait une relation problématique avec le frère chapelain qui supervisait toutes les affaires spirituelles de l’ordre. De Rochefort n’était pas parvenu à obtenir d’engagement tangible de la part du Vénitien qui s’en était tenu à énoncer quelques lieux communs. Et puis il y avait le sénéchal qui portait le gonfanon Baussant, précieuse bannière noire et blanche de l’ordre. Il avait l’air à son aise dans sa tunique et son manteau blancs, l’insigne brodé qu’il arborait à l’épaule gauche indiquant ses hautes fonctions. À sa vue, l’estomac de de Rochefort se souleva. Cet homme n’avait aucun droit de revêtir ces précieux atours.
« Chers frères, nous voici réunis en chapitre. Il est temps de constituer le collège d’électeurs. »
La simplicité de la procédure était trompeuse. On tirait un nom au sort parmi ceux de tous les frères. Ce templier désignait alors librement l’un de ses compagnons. On alternait tirage au sort et choix libre jusqu’à ce que onze frères aient été désignés. Le système mêlait hasard et relations personnelles, ce qui diminuait fortement le risque de complot. En sa qualité de maréchal, de Rochefort faisait automatiquement partie du collège d’électeurs, tout comme le sénéchal, ce qui portait le nombre de participants à treize. Il fallait une majorité de deux tiers pour être élu maître.
De Rochefort attendait que le processus prenne fin. Lorsqu’il fut parvenu à son terme, quatre chevaliers, un prêtre, un clerc, un fermier, deux artisans et un ouvrier avaient été sélectionnés. Il avait le soutien d’un bon nombre d’entre eux. Mais un hasard diabolique avait permis à des frères dont il n’était pas sûr d’être choisis.
Les onze hommes s’avancèrent pour former un demi-cercle.
« Le collège d’électeurs est constitué, déclara le maréchal, nous avons terminé. Les débats peuvent commencer. »
Les frères ôtèrent leur capuchon, signalant par ce geste le début des discussions. L’élection du maître n’avait rien de secret. Au contraire, la nomination, les débats et le vote se dérouleraient devant la confrérie au grand complet. En revanche, la règle exigeait le silence des spectateurs.
De Rochefort et le sénéchal rejoignirent les autres électeurs. Le maréchal ne présidait plus le débat. Lorsque le chapitre se réunissait, tous les frères étaient égaux. « Notre maréchal, l’homme qui a protégé cet ordre pendant de nombreuses années, devrait être élu maître, déclara un chevalier dont l’épaisse barbe grise trahissait l’âge. Je soumets sa candidature. »
Deux autres lui apportèrent leur soutien. Puisqu’il disposait des trois voix nécessaires, la candidature du maréchal fut acceptée.
L’un des artisans, un armurier, s’avança et dit : « Je réprouve l’affront qui a été fait au maître. C’était un homme bon qui aimait notre ordre. Son autorité n’aurait pas dû être contestée. Je soumets la candidature du sénéchal. »
Deux autres frères acquiescèrent d’un signe de tête.
De Rochefort se raidit. Les deux camps se faisaient face.
La bataille pouvait s’engager.
On entrait dans la deuxième heure de débat. La règle ne limitait pas le processus dans le temps mais stipulait qu’aucun des frères qui assistaient à l’élection ne pouvaient s’asseoir, ce qui laissait entendre que l’endurance des participants jouait un rôle décisif dans son déroulement. Personne n’avait encore appelé au vote. Chacun des treize en avait le droit, mais personne n’avait envie de perdre ; aussi appelait-on au vote lorsque la majorité des deux tiers semblait assurée.
« Votre projet ne m’impressionne guère, lança le prêtre au sénéchal.
— J’ignorais que j’en avais un.
— Vos méthodes seront celles du défunt maître. Des méthodes d’un autre âge. N’est-ce pas ?
— Je serai fidèle à mes vœux, comme vous devriez l’être, cher
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