L'Héritage des Templiers
frère.
— Je n’ai pas fait vœu de faiblesse, rétorqua le prêtre. Ni de complaisance à l’égard d’un monde qui languit dans l’ignorance.
— Nous avons protégé notre savoir pendant des siècles. Pourquoi changer de méthode ?
— Assez d’hypocrisie ! s’écria un autre membre du chapitre. Elle me rend malade. La convoitise et l’ignorance ont failli avoir raison de nous. Il est temps de nous venger.
— Dans quel but ? demanda le sénéchal. Qu’avons-nous à y gagner ?
— La justice ! » s’écria un autre chevalier, emportant l’adhésion de plusieurs autres électeurs.
De Rochefort décida qu’il était temps d’intervenir. « L’Évangile de Thomas dit : “Que celui qui cherche soit toujours en quête jusqu’à ce qu’il trouve, et quand il aura trouvé, il sera dans le trouble, ayant été trouvé, il s’émerveillera, il régnera sur le Tout.”
— Thomas dit aussi : “Si ceux qui vous guident affirment : Voici, le Royaume de Dieu est dans le ciel, alors les oiseaux en sont plus près que vous ; s’ils vous disent : Voici, il est dans la mer, alors les poissons le connaissent déjà…” rétorqua le sénéchal.
— Nous n’avancerons pas si nous continuons comme aujourd’hui », déclara de Rochefort. Des hochements de tête accueillirent ses paroles, mais pas suffisamment pour appeler au vote.
Le sénéchal hésita un moment avant de demander : « Maréchal, que comptez-vous faire si vous êtes élu ? Pouvez-vous nous éclairer sur vos projets ? Ou faites-vous comme Jésus en ne révélant vos mystères qu’à ceux qui en sont dignes, en ne disant jamais à la main gauche ce que fait la droite ? »
Le maréchal était trop heureux d’avoir l’opportunité d’expliquer à la congrégation ce qu’il envisageait de faire. « Jésus a dit : “Car il n’est rien de caché qui ne doive être découvert.”
— Que suggérez-vous, dans ce cas ? »
Le maréchal balaya la pièce du regard, du sol aux galeries. C’était le moment ou jamais. « Souvenez-vous. Du commencement. Lorsque des milliers de frères prononçaient leurs vœux. Des braves qui partaient à la conquête de la Terre sainte. Dans les chroniques, on raconte qu’un contingent fut un jour vaincu par les Sarrasins. Après la bataille, on proposa à deux cents de ces chevaliers de les épargner à condition de renier le Christ et de se convertir à l’islam. Ils préférèrent s’agenouiller devant les musulmans pour être décapités. Voilà notre héritage. Nous ne participions pas simplement aux croisades, elles étaient notre combat. »
Il fit une pause pour donner davantage de poids à ses paroles.
« Voilà ce qui rend les événements du vendredi 13 octobre 1307 – jour sinistre, infâme, toujours synonyme de malchance pour la civilisation occidentale – si difficiles à accepter. Des milliers de nos frères furent arrêtés à tort. La veille encore, c’étaient les Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de Salomon, symboles du bien, prêts à mourir pour l’Église, le pape et leur Dieu. Du jour au lendemain, on les accusait d’hérésie. Et de quoi les accusait-on précisément ? D’avoir craché sur la Croix, échangé des baisers impudiques, tenu des réunions secrètes, adoré un chat, pratiqué la sodomie, vénéré une tête d’homme barbu. Pas un mot de vrai dans tout cela, ajouta de Rochefort après une pause. Pourtant, nos frères furent torturés et beaucoup capitulèrent en avouant des crimes imaginaires. Cent vingt d’entre eux périrent sur le bûcher. »
Il observa une nouvelle pause.
« Notre héritage est fait de honte et le nom de notre ordre suscite la suspicion.
— Et que diriez-vous aux gens ! s’enquit calmement le sénéchal.
— La vérité.
— Pourquoi vous croiraient-ils ?
— Ils n’auront pas le choix.
— Que voulez-vous dire ?
— J’aurai des preuves.
— Avez-vous localisé le legs des Templiers ? »
Le sénéchal essayait d’exploiter son point faible, mais il ne pouvait faire preuve de faiblesse.
« Il est à ma portée. »
La surprise submergea la salle.
« Vous êtes en train de nous dire que vous avez découvert nos archives perdues depuis sept siècles ? fit le sénéchal, de marbre. Avez-vous également découvert les richesses qui ont échappé à Philippe le Bel ?
— Elles sont elles aussi à ma portée.
— Quelle impudence, maréchal.
— Je mène des
Weitere Kostenlose Bücher