L'Héritage des Templiers
“Celui qui ne haïra pas son père et sa mère, comme moi, ne peut pas devenir mon disciple.” »
Un aphorisme tiré de l’Évangile de Thomas. Mais que voulait-il dire en l’occurrence ? Il pensa à une autre citation du même Évangile : « Et celui qui n’aimera pas son père et sa mère, comme moi, ne pourra devenir mon disciple. »
« Il voulait aussi que je vous rappelle une autre parole de Jésus : “Que celui qui cherche soit toujours en quête jusqu’à ce qu’il trouve…
— Et quand il aura trouvé, poursuivit le sénéchal, il sera dans le trouble, ayant été trouvé, il s’émerveillera, il régnera sur le Tout.” Il ne s’est exprimé que par le biais de paraboles ? » demanda-t-il.
Geoffrey ne répondit pas. Le statut du jeune homme dans la hiérarchie de l’ordre était bien inférieur à celui du sénéchal ; il venait à peine de s’engager sur le chemin du savoir. Devenir membre de l’ordre n’était qu’une étape sur la voie du gnosticisme, parcours qui prendrait normalement trois années. Geoffrey n’était arrivé à l’abbaye que dix-huit mois plus tôt en provenance du monastère normand où il avait étudié auprès des jésuites qui l’avaient recueilli encore enfant. Le maître l’avait immédiatement remarqué et avait exigé que certaines responsabilités lui soient confiées. Le sénéchal avait trouvé cette décision hâtive. « Je n’ai pas agi différemment avec vous », s’était contenté de répondre le vieil homme en souriant.
« Pour que le maître fasse appel à toi, il devait avoir une haute opinion de tes capacités, souligna le sénéchal en plaçant la main sur l’épaule de son assistant.
— Et je ne trahirai pas sa confiance », fit Geoffrey, d’un ton résolu.
Les frères empruntaient différentes voies. Certains se destinaient à l’administration, d’autres devenaient artisans. Nombreux étaient ceux qui assuraient l’autonomie de l’abbaye en tant qu’ouvriers ou fermiers. Certains se consacraient exclusivement à la religion. Seulement un tiers d’entre eux devenaient chevaliers. Geoffrey était destiné à accéder à ce grade d’ici cinq ans, en fonction de ses progrès. Il avait déjà achevé son apprentissage et l’entraînement élémentaire requis. Il allait devoir se consacrer à l’étude des Saintes Écritures pendant un an avant de pouvoir prêter le premier serment de fidélité à l’ordre. Quel dommage, songea le sénéchal : il allait peut-être perdre tout ce pour quoi il avait travaillé.
« Sénéchal, et le legs des Templiers ? Est-il possible de le retrouver comme l’a dit le maréchal ?
— C’est ce qui nous sauve. Il n’est pas encore en la possession de de Rochefort qui croit certainement que nous savons où le trouver. Est-ce le cas ?
— Le maître y a fait allusion », bredouilla Geoffrey. Les mots se bousculaient dans sa bouche comme s’il n’était pas censé les prononcer.
Le sénéchal était tout ouïe.
« Il m’a dit qu’un certain Lars Nelle était proche du but. »
Le maître et le sénéchal avaient maintes fois abordé le sujet du trésor des Templiers. Ses origines dataient d’avant 1307, mais il avait été mis en sécurité après la purge afin de priver Philippe le Bel de la richesse et des connaissances des Templiers. Dans les mois ayant précédé son arrestation, Jacques de Molay s’était empressé de dissimuler tout ce que l’ordre avait de plus cher. Malheureusement, il était impossible de découvrir le moindre indice permettant de localiser le trésor, et la peste noire avait décimé tous ceux qui auraient pu savoir où il se trouvait. Le seul élément disponible figurait dans un passage des chroniques de l’ordre daté du 4 juin 1307 : « Quel est le meilleur endroit pour cacher un caillou ? » Les maîtres successifs s’étaient efforcés de répondre à cette question mais leurs recherches avaient été vaines. Jusqu’à ce qu’au XIX e siècle de nouveaux indices soient mis au jour. Ils n’émanaient pas de l’ordre mais de deux prêtres de la paroisse de Rennes-le-Château, l’abbé Antoine Bigou et l’abbé Béranger Saunière. Le sénéchal savait que Lars Nelle avait exhumé leur étonnante histoire dans les années soixante-dix en écrivant un livre qui avait fait sortir de l’ombre le minuscule village pyrénéen et sa mystique soi-disant millénaire. Apprendre aujourd’hui qu’il avait été très près
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