L'Héritage des Templiers
disait toujours que j’avais une influence négative. » Elle observa une pause en espérant que les fantômes l’entendraient. « En voyant ce journal après tant d’années, j’ai su que j’avais eu tort. La quête de Lars comptait beaucoup pour lui et, par conséquent, elle aurait dû compter pour moi. Voilà la véritable raison de mon voyage, Cotton. Je le leur devais. Dieu seul sait combien ma dette envers eux est grande, dit-elle, le regard las. Mais je ne m’étais jamais rendu compte que les enjeux étaient si importants. »
Malone jeta un nouveau coup d’œil à sa montre, puis par la vitre assombrie. « Il est temps de découvrir à quel point, annonça-t-il. Vous pensez pouvoir vous en sortir ?
— Je vais tâcher d’en occuper un, répondit Stéphanie en se ressaisissant. Occupez-vous de l’autre. »
23
Malone sortit sans chercher à se cacher. Les deux hommes dont il avait remarqué la présence tout à l’heure attendaient au bout de la rue, à l’angle des remparts, d’où l’on avait vue sur la maison de Lars Nelle. Le problème, c’était que, pour le suivre, ils allaient devoir traverser cette même rue déserte. Il avait affaire à des amateurs. Des professionnels se seraient séparés. Un à chaque bout de la rue, prêts à se diriger dans n’importe quelle direction. Comme à Roskilde, cela le rassurait. Mais il restait tendu, les sens en alerte. Qui pouvait bien s’intéresser aux affaires de Stéphanie ?
Les héritiers modernes des chevaliers du Temple ?
Les états d’âme de Stéphanie lui avaient fait penser à Gary. La mort d’un enfant était un drame inadmissible. Il avait du mal à imaginer l’ampleur de sa souffrance. Peut-être aurait-il dû rester en Géorgie lorsqu’il avait pris sa retraite ; pourtant, Gary ne voulait pas en entendre parler. « T’inquiète pas pour moi, lui avait-il dit. Je viendrai te voir. » Son fils était extrêmement clairvoyant pour un garçon de quatorze ans. Cependant, sa décision continuait de le hanter, en particulier maintenant qu’il risquait encore une fois sa peau pour quelqu’un d’autre. Son propre père avait agi de la même manière ; au cours de manœuvres, il avait sombré dans l’Atlantique nord aux commandes de son sous-marin. Malone avait dix ans à l’époque, et il se rappelait à quel point sa mère avait souffert. Aux obsèques, elle avait même refusé d’accepter le drapeau que lui tendait le soldat, membre de la garde d’honneur. Malone l’avait accepté, lui, et, depuis, le petit paquet rouge, blanc, bleu, l’accompagnait partout où il allait. À défaut d’une tombe sur laquelle se recueillir, ce drapeau représentait l’unique souvenir tangible d’un homme qu’il avait à peine connu.
Il arriva au bout de la rue. Il n’eut pas besoin de se retourner pour savoir que l’un des deux hommes le suivait, alors que l’autre surveillait Stéphanie.
Il prit à gauche en direction du domaine de Saunière.
Il ne se passait pas grand-chose le soir, à Rennes-le-Château. Sur son chemin, il ne croisa que portes verrouillées et volets clos. Le restaurant, la librairie et les kiosques étaient tous fermés. L’obscurité enveloppait la rue. Derrière le mur d’enceinte, le vent gémissait comme une âme en peine. La scène semblait sortir d’un roman de Dumas, comme si tout n’était que chuchotis dans ce village.
Il gravit lentement la côte conduisant à l’église. La villa Béthanie et le presbytère étaient barricadés. Un croissant de lune, voilé par les nuages qui couraient dans le ciel, illuminait le verger qui s’étendait derrière.
Le portail du cimetière était resté ouvert, comme le lui avait indiqué Stéphanie. Il entra sans hésiter, sachant que l’homme l’y suivrait. Là, il profita de l’obscurité grandissante pour se cacher derrière un grand orme. Il vit son poursuivant presser le pas et entrer à son tour. Lorsque l’homme passa à sa portée, Malone bondit et lui assena un grand coup de poing dans l’estomac, soulagé que le choc ne soit pas amorti par un gilet pare-balles. Un autre coup de poing dans la mâchoire jeta son poursuivant à terre ; Malone le releva sans ménagement.
Il était plutôt jeune, petit, râblé, rasé de près ; ses cheveux clairs étaient coupés ras. Hébété, il laissa Malone le fouiller ; celui-ci eut vite fait de repérer l’arme qu’il portait sous sa veste, un pistolet Beretta Bobcat. Marque italienne.
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