L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes
reprenait jusque 5, 6 ou 7 heures. Les baraquements n’étaient pas chauffés et il faisait très froid. Il y avait un poêle au fond, mais il était réservé aux gardiens. Chaque baraque avait 100 mètres de long. Je suis restée deux mois dans ce camp. Nous étions trois : Muja, l’amie qui avait été arrêtée avec moi, et une autre femme qui s’appelait Mitzka. Je ne me rappelle pas le nom du camp où l’on nous transféra (140) . On nous emmena dans un train de voyageurs normal. Le deuxième camp était plus confortable, parce qu’on venait nous compter à l’intérieur des baraques et qu’on ne travaillait pas. On nous donnait à manger tous les quatre ou cinq jours. Il n’y avait pas de lits dans la baraque. On dormait à même le sol sans paillasse ni couverture. Il faisait très froid et nous n’avions pas de vêtements chauds. Nous ne possédions que ceux qu’ils nous avaient donnés. De l’autre côté des barbelés, il y avait des hommes. Une de mes amies aperçut son mari et lui demanda par gestes de venir près des barbelés à un moment où il n’y avait pas de gardiens. Malheureusement on la vit et elle fut abattue à bout portant. Son mari s’enfuit et rejoignit son rang.
— « Quand une femme mourait, ils la jetaient, passez-moi le mot, dans les cabinets. Des charrettes traînées par des chevaux passaient tous les trois jours. Les corps étaient ramassés, entassés, arrosés d’essence à laquelle on mettait le feu. Les prisonniers moururent en masse. Le gardien nous faisait emporter les corps, mais nous n’avions pas le courage de le faire. Alors il fouettait les femmes qui se trouvaient en tête de ligne. Je savais quand il allait venir et comme je n’avais pas le courage d’obéir, je restais derrière pour ne pas être frappée. Devant notre obstination, ils obligèrent ensuite les hommes à accomplir cette tâche. Nous étions désespérées, nous demandant ce qu’ils voulaient faire de nous. Un jour on vivait, le lendemain on mourait. Nous ne devions rien savoir, pas même le jour de la semaine ou du mois. Malheur à qui posait une question ! Les gardiens répondaient : « Vous ne devez rien savoir. Vous devez mourir. » (Certaines des prisonnières parlaient bien l’allemand). »
— « Le printemps arriva. Les Américains n’étaient plus loin, mais nous ne le savions pas. Trois jours avant leur arrivée, nous avons eu un peu plus de liberté. Derrière la clôture du camp, il y avait deux trous : l’un rempli de pommes de terre. Une amie réussit à se faufiler pour ramasser quelque chose. Je fis de même. Un Allemand me vit et tira. Je me mis à courir, et ma jambe s’accrocha dans le barbelé. N’ayant pas le temps de la soulever, je me fis une entaille de 25 centimètres. Je rentrai dans la baraque et dissimulai ma blessure pour ne pas être battue. Je guéris sans me soigner. Ce jour-là, on nous enferma dans la baraque. Je dis à mes amies : « Si on nous enferme, c’est certainement parce qu’on va nous tuer. »
— « Mon amie se sentait mal. Derrière la baraque il y avait un fossé, et je sortis par la fenêtre pour aller chercher de l’eau. Je vis que les sentinelles portaient des brassards blancs, signe qu’ils ne rendaient. Je compris ainsi que les Américains arrivaient. En rentrant, je dis à mon amie : « N’ayez pas peur, la Croix-Rouge arrive. » L’après-midi, on nous apporta du thé. Les Américains qui étaient arrivés nous jetaient des paquets de victuailles. Quand les Américains arrivèrent, les prisonniers de toutes nationalités sortirent jouer de la musique de leur pays. Ce jour-là, il mourut plus de femmes de bonheur que pendant la captivité. Nous sommes allées au magasin chercher de la toile pour camper dans la campagne et ne pas rester dans le camp. Des avions américains nous jetèrent des colis contenant de la nourriture, des vêtements et autres. Nous avons allumé du feu pour nous préparer à manger. On commença par emmener les plus malades à la caserne. On nous donna des paquets, des boîtes, du pain, etc. Quand nous faisions la cuisine, nous allions chercher des pommes de terre et de la salade chez les paysans. Ils étaient méchants, mais ils avaient peur de nous, devaient nous donner quelque chose, même s’ils n’en avaient pas envie.
— « On nous emmena ensuite dans des casernes où se trouvaient des soldats appelés « Magiars ». Les chambres étaient grandes et nous vivions
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