L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes
à quatre dans la nôtre. Les prisonniers étaient groupés par nationalité. On me mit avec des Slaves. Il y avait des gens de Postumia et de Buje. On nous apporta un poêle et des casseroles pour préparer nos repas à notre goût si nous voulions, mais nous pouvions manger à la cuisine quand nous voulions. Au bout de six jours, je suis tombée gravement malade du typhus. Je restai trois jours à l’infirmerie de la caserne, puis comme mon état ne s’améliorait pas, on me transporta à l’hôpital. Au bout de quinze jours, je fus guérie. Les Allemands m’avaient déjà rasé les cheveux à Ravensbrück. En sortant de l’hôpital, je ne retrouvai pas la caserne où se trouvaient mes amies, parce que je ne savais pas comment on m’avait amenée là.
— « Un Américain s’occupa de moi. Il me parlait et je lui parlais mais nous ne nous comprenions pas. Je lui disais que je voulais rejoindre mes amies. Ne me voyant pas revenir, les pauvres me croyaient morte. Puis une dame qui venait de ma caserne arriva à l’hôpital et elle m’expliqua où elle se trouvait. Mais moi, je ne pouvais pas l’expliquer aux autres. Une autre dame expliqua à mes amies où j’étais. L’une d’elles vint me chercher à l’hôpital et nous sommes parties à pied à 600 mètres environ. À la caserne, je demandai où était mon paquet et mes vêtements. Me croyant morte, mes amies avaient tout brûlé et me donnèrent quelques-uns de leurs vêtements.
— « Nous ne pouvions pas rentrer chez nous parce qu’il n’y avait pas de moyens de transport et aussi parce que nous étions encore trop faibles. Les Américains avaient découvert un grand nombre de cadavres jetés dans des fosses. Ils obligèrent les Allemands à les ramasser et à les enterrer un par un comme dans un cimetière. Ils tapissaient le fond de la fosse de branches, enveloppaient le mort dans une couverture et le déposait dans la fosse. Chaque mort devait avoir sa croix. On ne connaissait pas le nom de tous. Si un Allemand maltraitait les morts, les Américains le battaient. Les prisonniers du camp étaient morts comme des mouches. Qui peut savoir combien il y en eut ! Les Américains nous traitaient bien. Ils nous soutenaient et nous tenaient par la main comme des enfants. Ils faisaient faire le nettoyage des cabinets et de toute la caserne par les Allemands. S’ils nous avaient insultées, nous aurions pu les tuer, les Américains n’auraient rien dit. Nous les injuriions, mais n’avons jamais tué personne. Ils nous demandaient de quoi manger, mais nous avions l’ordre de ne rien leur donner.
— « On nous faisait voir des films, des danses, des variétés, tout cela gratis. Notre état s’améliorait peu à peu. Nous raisonnions comme des enfants et étions traitées comme tels. On nous donnait tout ce dont nous avions besoin. Les Écossais nous ont beaucoup amusées. Ils dansaient en jupe, au milieu de poignards. Ils voulaient nous faire danser avec eux ; mais nous n’en avions pas la force. Au bout de quatre ou cinq mois, nous allions bien, et on nous avertit que nous partirions le lendemain. Les Américains donnèrent une fête avant notre départ. Ils me demandèrent, comme aux autres, pourquoi j’étais là et pourquoi on m’avait arrêtée. Je répondis que je n’en savais rien. Ils nous firent un discours en slave disant que nous devions nous arrêter à Ljubljana. Nous sommes arrivées après trois jours de voyage dans des wagons bestiaux. Mais il y avait des matelas et des couvertures et nous pouvions y dormir, ce qui aurait été impossible dans des wagons normaux.
— À Ljubljana on nous reçut bien, comme dans un district militaire. On nous emmena dans un bureau pour nous demander où nous voulions aller. Nous pouvions aller n’importe où, même en Amérique ou en Angleterre. Ceux qui avaient une maison étaient renvoyés chez eux. Moi, je n’en avais pas. On me demanda si je voulais rentrer à Postumia, mais je répondis que ma famille n’y était plus. Je restai quinze jours à Ljubljana, pour les examens médicaux. On dit aux femmes et aux jeunes filles qui avaient été en Allemagne qu’elles ne pourraient plus avoir d’enfants. Ce qui était faux, car j’en ai eu depuis. On nous dit de ne pas craindre de manquer de nourriture ; ils avaient des réserves et pouvaient nous nourrir jusqu’à notre départ. J’expliquai que si je ne retrouvais pas mes parents à Udine, je reviendrais à
Weitere Kostenlose Bücher