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L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes

L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes

Titel: L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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cuisses écartées, les talons collés aux fesses. Plaquée sur la table et prisonnière d’un réseau complexe de harnais de cuir, je ne pouvais plus faire un mouvement. Je compris où j’allais être piquée.
    — Sans être réellement athlétique, j’étais musclée. Depuis mon enfance je pratiquais le ski, la natation, l’athlétisme, tous ces sports qui donnent des abdominaux solides. Je crispai de toutes mes forces mes muscles vaginaux. Je ne me faisais aucune illusion, il ne pouvait s’agir que d’un baroud d’honneur ; ce n’est pas moi qui gagnerais la dernière bataille. Mon horizon était infiniment proche : l’avenir, c’était la minute que j’allais vivre, pas au-delà.
    — D’une porte, au fond de la pièce, apparut une Allemande maigre et longue ; elle avait un visage creusé de dizaines de rides minuscules comme ces minces cicatrices que se font encore quelques peuplades d’Australie. Il était difficile de donner un âge à cette femme au visage de cire : quarante ans… peut-être plus. Elle portait, sur un uniforme noir, une blouse au col ouvert.
    — « Attention à toi, me dit la Tchèque en se penchant vers moi, c’est l’Oberschweister, elle est moins indulgente que nous.
    — La femme au visage gris avança vers moi. Elle allait atteindre la table lorsque, du fond de la pièce, une voix d’homme s’éleva. Elle fit demi-tour et repartit à grands pas vers celui qui se tenant près de la porte ouverte mais que je ne pouvais voir, l’avait appelée. Ils discutèrent deux ou trois minutes à voix basse, puis elle revint vers moi. J’entendais ses bottes marteler le sol dallé, mais je ne distinguais encore que son visage et son buste plat.
    — Je voulais me dresser et voir. Je sentais que cette femme au regard sans reflet allait peser d’un poids définitif sur ma vie. Je parvins à faire jouer de quelques centimètres le licol qui plaquait mon torse contre la table. Je me redressai.
    — J’aperçus son bras, puis sa main. Et, dans sa main, une seringue. Ce n’était pas de ces petits tubes de verres incolores équipés d’une aiguille de 5 ou 6 centimètres qui terrorisaient mon enfance, mais un cylindre d’acier brillant sur lequel était fixé un long fil de métal mat.
    — C’est là où je compris qu’il ne s’agissait pas de prélèvement mais d’expérience. Je me crispais avec rage, comme si ma vie dépendait des muscles de mon vagin. Il n’y avait, en fait, plus rien à faire. L’Allemande me martelait le ventre en criant que rien ne l’empêcherait « … de faire ce qu’elle avait à faire ». Les trois filles qui m’avaient ligotée sur la table me giflaient à tour de bras, l’une après l’autre, comme des bûcherons frappant de chaque côté d’un arbre.
    — Avant de m’évanouir, j’aperçus l’Allemande entre mes genoux levés, sa main gauche immobilisant ma cuisse droite, son coude droit bloquant ma cuisse gauche, tentant d’introduire la seringue d’acier. La Tchèque me frappa à l’aine. La douleur me fit hurler, je cédai. Le visage de l’infirmière ruisselant de sueur s’estompa, disparut derrière un brouillard rougeâtre. La table se mit à danser. Je me sentis soudain légère, aérienne, comme délivrée. Je m’évanouis.
    — Une autre douleur me réveilla, fulgurante, celle-là. Une brûlure atroce qui filait le long de mes cuisses et embrasait mon ventre. Je vomis.
    — Penchée sur moi, l’Allemande me regardait. De son front ridé, tombaient sur ma poitrine de lourdes gouttes de sueur. J’essayais de parler. Je voulais savoir. Elle sourit, posa sa main sur ma poitrine et me plaqua contre la table : « Dors, me dit-elle, ça ira mieux demain. » Elle partit.
    — Les filles me regardaient, elles aussi en souriant. Je tentais de les insulter. Je faisais de gigantesques efforts pour crier mais ma voix n’était que murmure. Je me mis à sangloter avant de m’évanouir à nouveau.
    — L’air glacé de la nuit me réveilla. J’étais portée par quatre prisonnières qui avaient jeté sur moi quelques sacs. Trois ou quatre étoiles commençaient à luire à l’ouest, au-dessus de la mer. J’avais passé l’après-midi ligotée sur la table poisseuse. La douleur ne s’était pas apaisée. La même brûlure me rongeait le ventre. Je sentais mes jambes engluées de sang. Sous mes sacs percés, je ruisselais de sueur.
    — Les filles ne marchaient pas au pas. Je tanguais comme une barque

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