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L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes

L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes

Titel: L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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Renseignements « Mousquetaire », sort un à un les documents qui ont marqué sa lutte et son calvaire.
    — Trente ans ! Il a fallu trente ans pour qu’on reconnaisse que j’ai été stérilisée à Ravensbrück. Chaque fois on me disait la même chose. « Vous n’êtes ni juive, ni tsigane et il n’y a eu de stérilisation que pour les juives et les tsiganes. Enfin, en examinant le dossier médical des différentes opérations que j’ai subies, 1951, 1953, 1965, 1969, mars 1971, juin 1971 – j’avais grossi de 50 kilos et les souffrances physiques étaient insupportables – ils ont compris. Mais le plus cruel, dans tout cela, c’est l’attitude de certaines déportées de Ravensbrück qui ne voulaient pas croire ce qui, pourtant, était évident. Ah ! si j’avais été juive ou tsigane.
    Et pourtant, l’aventure de « Simone », bien qu’unique, est facilement explicable et s’intègre parfaitement dans cette « logique » – elle aussi unique – de l’univers concentrationnaire. Avec Anne-Marguerite Dumilieu, nous reprenons, ligne à ligne, le récit qu’elle rédigea après la dernière intervention chirurgicale de 1971 (144) .
    — C’était le 14 octobre. La fin de la quarantaine avait été allégée et sans cesser d’être isolées, nous travaillions en Kommando depuis trois jours. La carrière et ce matin la corvée de sable… Je me dissimulais sous la couverture et laissais partir sans moi la corvée de sable.
    — J’ai souvent pensé à ce matin-là et j’ai longtemps tenté de retrouver dans mes souvenirs le signe, le clin d’œil d’en haut, la prémonition, m’avertissant qu’il ne fallait pas rester et que la carrière de sable valait mieux que le destin qui m’était promis. Le ciel ne me fit aucun signe.
    — Ivenska entra. Ivenska était une Polonaise de dix-huit ans qui n’avait pas résisté au régime de Ravensbrück. Sans avoir pour l’homosexualité une attirance particulière, elle était pourtant devenue la maîtresse d’une Allemande quinquagénaire dont les faveurs lui permettaient de survivre dans des conditions de confort relatif.
    — Il était peut-être 10 h 30 lorsqu’elle pénétra dans le Block. Elle ne me vit pas. Allongée au troisième niveau d’un lit à étages, j’avais ramené ma couverture sur ma tête. Ivenska commença à lire lentement une liste de numéros griffonnés sur un papier froissé. Quatre filles lui répondirent et, une à une la rejoignirent. La Polonaise appela un dernier matricule. Cette fois, personne ne vint se ranger derrière elle.
    — Elle hurla que si l’on ne répondait pas, elle irait prévenir l’Allemande. Puis elle changea de ton et que les cinq filles qu’elle venait chercher étaient en fait des privilégiées… qu’elles allaient être libérées… que c’était un échange organisé par la Croix-Rouge, je ne crus évidemment pas un mot de ces mensonges. Cette vieille supercherie était depuis longtemps éventée. Alors pourquoi ai-je abattu doucement la couverture qui me masquait le visage ? Pourquoi ai-je relevé la tête ? Elle me vit et pointa sur moi sa matraque :
    — « Es-tu le 95.628 ? »
    — C’était le matricule de la prisonnière qu’elle cherchait. Je lui répondis que je n’étais pas le 95.628 et que j’étais malade.
    — Elle me demanda si j’étais française. Je lui dis qu’effectivement j’étais française… et protégée par les lois de la guerre… et qu’au demeurant si elle prenait le risque de m’obliger à me lever je ne pourrais lui être d’aucune utilité.
    — Elle ne me répondit pas, sauta sur le premier niveau de mon lit et frappa au hasard en me criant : « Debout ! » La matraque m’atteignit à l’extrémité du pied. Je me levai.
    — Les quatre filles derrière lesquelles elle me poussa étaient des gitanes d’une vingtaine d’années. Je savais bien qu’on ne libérait pas les gitans. Je savais aussi que certaines d’entre elles avaient été expédiées de force dans les bordels pour les soldats permissionnaires. Je demandai à Ivenska d’oublier que j’avais levé la tête, d’oublier qu’elle m’avait vue, de faire comme si rien ne s’était passé. Elle me regarda avec, peut-être, un soupçon de compassion :
    — « Je t’aime bien, j’aime bien les Françaises, mais si j’arrive à l’infirmerie avec quatre filles au lieu de cinq, on me battra. J’ai peur des coups. Je ne veux plus être

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