L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes
laissés il y a deux jours. Il y avait déjà un mouton sur la braise, là, les poules, les canards, tout sur la braise. Il y avait du vin, du pain, je ne sais pas comment ils ont fait, il y avait de la farine. C’était fini cela. Nous nous couchons dans le foin, dans une grande grange, dans le foin. Nous étions tranquilles, nous ne pouvions pas dormir à cause de la joie. Nous nous donnions la main, nous pleurions. Quand verrons-nous nos parents ? Les trouverons-nous vivants, les trouverons-nous morts, ou bien ne trouverons-nous rien du tout ?
— Le lendemain de bonne heure, nous nous levons. Nous voyons tous les soldats là, de grandes cigarettes, tout, de la boisson. Nous avons bu, nous avons mangé avec eux, et de là, nous avons pris notre route pour retourner en France. En venant en France, nous sommes allés dans les fermes. Les Allemands ne commandaient plus, c’était notre tour de leur donner des coups de pied. Les filles, nous dormions avec elles, nous faisions ce que nous voulions. Nous tuions des cochons. Nous tuions des cochons, des bœufs, ce qu’il nous fallait pour manger, et nous ne mangions rien. Nous avons pris notre route, nous sommes allés dans les fermes, nous avons pris des chevaux, des voitures, et nous avons pris notre route. Nous pensions que nous reviendrons tranquilles jusqu’en France, de si loin en Allemagne, avec les chevaux, c’était notre joie.
— Un beau jour, nous avons fait combien ? Nous avons fait un millier de kilomètres. Les soldats nous ont arrêtés, ils nous avaient suivis. Ils ont dit que nous attendions jusqu’à ce que vienne l’état-major des soldats, de Russie. Nous allons là, chaque jeune homme, nous pleurions, nous pensions que nous serions près de Moscou. Une chance que nous avions un petit camarade avec nous. Il savait parler. Le chef l’a appelé, il a parlé avec lui… Nous ouvrons la porte, une fois que la porte était ouverte, nous sommes allés, nous sommes allés, 500 kilomètres que nous avons faits.
— Nous avons été arrêtés là, tant que les soldats, les Américains, les Anglais, nous ont dit d’attendre. Nous avons attendu neuf jours là. Nous nous sommes pris une vache, un veau que nous avons fait sur la braise. Nous l’avons tué, et la vache, j’étais jeune, je buvais le lait, nous la trayions chaque jour. Nous étions bien, et les Allemands, plus rien contre nous, nous les tuerions, chacun son tour.
— Ensuite, de là, nous sommes partis avec les voitures à cheval, les autos, avec le train, jusqu’à ce qu’on arrive à Lille. Quand nous sommes arrivés à Lille, j’ai trouvé deux camarades. Ils disent : « Qu’est-ce que tu as fait ? Comment as-tu fait pour partir de Buchenwald ? » J’ai dit : « C’est mon Dieu, il m’a aidé, c’était mes bonnes pensées de revoir mes parents. » Et j’ai dit : « Cet autre, le Toni, où est-il resté ? » « Eh bien, lui, nous l’avons mis à brûler devant nous, vivant. » Ça m’a fait de la peine, nous le connaissons. « Qu’avons-nous fait ? Qu’avons-nous pu faire ? Rien ! Nous fermions la bouche, il fallait regarder. »
— Mais il a dit : « Mon bon camarade, tu sais, ce n’est pas leur faute, mais c’est une sale nation, combien de jeunes Allemands que nous avons tués, nous les avons tués, nous les avons noyés, nous avons fait ce que nous avons pu. » Et alors, quand nous sommes venus là, ils nous donnaient à manger, un gâteau, un petit gâteau, chacun, jusqu’à ce que nous sommes arrivés en France, un petit gâteau, un petit morceau de pain noir. Nous ne pouvions pas le manger, pas la force de manger, l’estomac était bloqué, le dégoût te prenait, comme ça, jusqu’à ce qu’on arrive à Paris.
— Quand nous sommes arrivés à Paris, nous avons été accueillis, nous avons été accueillis si bien, nous sommes regardés. Ils nous ont emmenés au cinéma. La meilleure nourriture était pour nous, la boisson, comme nous voulions, le tabac, les cigarettes, tout. Il ne nous manquait rien, et encore, de l’argent nous a été donné. Une fois que nous avons été chez nous, nous sommes partis de Paris, je suis venu dans ma ville, mon village. Mais un « gadjo » est venu, une auto, pour m’emmener dans ma rue. Je n’avais pas de rue, j’étais dehors dans les prés, partout, nous avions des caravanes, nous avions des chevaux… Que je sache où sont mes pauvres parents, ma mère, mes petits frères, mes
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