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L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes

L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes

Titel: L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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arrachées. Grâce à la situation que nous occupions, nous fûmes plaqués contre le mur, la tête de notre interlocuteur, empêtré dans son escabeau, dans la poitrine. Les enfants hurlaient, mordaient, frappaient et s’écrasaient contre la porte. Les S.S. alertés par le bruit et les coups de sifflet de l’officier, se précipitèrent la matraque haute. Il n’y eut pas d’évasion, mais il fut impossible, malgré le sang qui giclait sous les coups, de faire entrer ces enfants dans la salle des coiffeurs : ils croyaient qu’on voulait les passer à la chambre à gaz. Les Lagerschutz (détenus qui assuraient la police du camp) sauvèrent la situation : ils se mirent nus et, prenant les enfants les moins peureux ou les plus battus par la main, ils les entraînèrent avec eux dans la salle de douches. Un S.S. émit même la prétention de nous en voir faire autant, et nous n’étions pas fiers du tout, car nous avions dans nos poches des petits papiers que nous ne tenions pas à voir courir les risques d’une désinfection et surtout d’une fouille. Le kapo des friseurs vint à notre rescousse. Dit-il que nous étions coiffeur ou médecin ? Quoi qu’il en soit, le S.S. zélé nous laissa passer, traînant deux petits squelettes inondés de larmes. À la réflexion, cette simple histoire nous semble plus cruelle qu’une véritable exécution ; dans les pays civilisés, on n’astreint pas les condamnés à mort à une répétition générale de leur supplice.

Ernest Rinaldo.
     
    — Je (166) ne veux plus parler de Buchenwald. De Buchenwald et des autres camps. J’en ai jamais parlé. C’est la période la plus méchante de ma vie. Les coups. Pas à manger. Peur de mourir. Et comment travailler le ventre vide. Je ne veux plus en parler. Ils (les Allemands) ont dit qu’on était moins que les juifs. À Buchenwald un Kapo a été bon. Il était tsigane aussi, un Allemand. Il m’a donné à manger souvent. Plusieurs fois du lait et des boulettes de viande. Il m’a trouvé une place de soudeur à l’usine. Après deux ou trois semaines, un autre Kapo – un Polonais – m’a cassé un manche de pioche sur la tête. On m’a gardé un jour à l’infirmerie. C’est un miracle si je suis rentré alors qu’il y a eu tant de morts. Pour la libération, on a marché sur les routes. J’avais les pieds en sang. Des militaires ont tiré sur moi. Ils m’ont raté. Après j’ai été malade pendant cinq ans. En dehors de mon père, j’ai perdu dans les camps six membres de ma famille. Ils avaient été arrêtés autour de Toulouse. Ce qu’ils ont fait, je ne sais pas. Pour moi non plus. J’étais tsigane c’est tout. Comme les autres tsiganes. Un jour ils ont dit qu’on était moins que les juifs. Parce que les juifs on pouvait leur parler. Moi je dis qu’on a été moins bien traités que les juifs. Des juifs il y en a encore. Un peu partout. Nous, nous sommes tous morts. Presque. Mais de ça il faut pas en parler. C’était la guerre. Mais nous on faisait pas la guerre. Alors ? Il faut pas en parler. Ça fait mal encore. Dieu ne l’a pas voulu. Dieu n’est pas allemand…
    *
*   *
    Louis Reinard.
     
    — J’étais (167) jeune, je suis allé dans les camps ; il n’y avait plus de soldats. J’ai fait huit mois. J’ai fait huit mois aux « chantiers de jeunesse », je travaillais. Huit jours avant d’être libre, les Allemands nous ont pris. Ils m’ont pris, les mains derrière le dos, et les coups de pied sur moi, et les grands coups. Ils m’ont pris, ils m’ont emmené dans une grande ville, et à la gare.
    — J’ai été déporté en Allemagne, à Buchenwald. Là, j’y suis resté trois jours sans manger. Les pauvres camarades qui étaient avec moi, il y avait quatre ou cinq mois qu’ils y étaient, avant que je vienne. Ils me souriaient, vers ces trois pommes de terre que j’épluchais avec le pouce, avec l’ongle.
    — Alors, les pauvres camarades tendaient la main, ils me demandaient les épluchures des pommes de terre. Moi je riais, et quatre ou cinq jours après, j’ai vu cela, je mangeais les pommes de terre pourries. Et ensuite nous avons été déshabillés, pendant quatre heures nous sommes restés devant les chefs, la neige tombait, pour qu’ils cousent quatre morceaux de ruban sur nos pantalons. Et il faisait très froid. Et ensuite, il nous fallait travailler. Nous ne mangions rien. Et nos pauvres camarades venaient devant nous, vivants, ils les

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