L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes
Orléans, Poitiers, Compiègne, Lirrus, Liguy-le-Chatel, Brienon, Mérignac, La Guiche, Vénissieux, Aulus, Montreuil-Bellay, Coudrecieux, La Pierre, Carclay, Plénée-Jugon, Quimper, Moisdon-la-Rivière, Choisel, Montlhéry, Rennes, Barenton, Raincourt et ces dizaines de centres départementaux d’hébergement qui sont de véritables camps de concentration sans oublier (dès 1941) Boghari, Colomb-Béchar, Djelfa, Azemmour, Bou-Arfa, Oued-Zem, etc. Lamentable répertoire (très incomplet) d’une « participation » ouverte, sans la moindre protestation ou indignation (au moins en ce qui concerne les tsiganes). Les bons usages de la collaboration, surtout en zone sud, n’exigeaient pas une telle prévenance aux souhaits si souvent contradictoires et donc facilement « interprétables » du vainqueur. Servilité et précipitation administrative ont été les règles premières de Vichy.
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Avant d’examiner l’histoire de deux ou trois camps tsiganes, il me semble intéressant de lire le reportage consacré à Montreuil-Bellay par l’hebdomadaire Toute la Vie. C’est à ma connaissance le seul « papier » publié par la presse de la collaboration sur ce sujet. Il est signé Christian Guy.
MONTREUIL-BELLAY
Capitale de guerre des gitans
— Une roulotte de bohémien, qui passait sur la route, imprégnait toujours l’esprit d’un quelque chose de mystérieux et d’étrangement romanesque.
— C’est d’abord des hommes au visage hâlé par le vent, la bruine ou le soleil ; ces hommes dont les yeux reflètent si remarquablement toutes les qualités qui distinguent leur race. Et puis, ce sont ces filles et ces femmes aux chemisiers de couleurs saugrenues, aux jupes trop longues qui leur donnent des airs de gosses qui auraient pris pour jouer les vêtements de leur mère.
— En a-t-on dit des choses, en a-t-on écrit des lignes sur leur compte. D’où viennent-ils ? De qui descendent-ils ? Toutes les hypothèses ont été énoncées !…
— C’est au XV e siècle que l’Europe vit apparaître sur ses chemins ces errants éternels. Chassés de l’Inde vers 1400, par des bandes du conquérant tartare Timour-Lang, ils conservent encore dans leur langage tous les caractères des dialectes de leur pays d’origine.
— Mais aujourd’hui il n’est plus question pour eux de sillonner nos routes. À quelques kilomètres de ce petit bourg de Montreuil-Bellay, un camp de résidence surveillée les a tenus englobés dans l’enceinte de ses doubles haies de barbelés.
— Tout autour, c’est le magnifique panorama de la plaine angevine. Avec ses champs de blés, ses pâturages et ses ceps de vigne.
— Seulement, une fois que les yeux se sont attachés à observer les détails du camp, ils oublient bien vite l’aspect souriant des paysages d’Anjou devant ces autres plus austères.
— Dès que l’on a franchi la porte d’entrée, l’on sent nettement une atmosphère plus lourde, une atmosphère de contrainte vous peser sur les épaules. Mais on la sent beaucoup plus encore lorsqu’au bout de très peu de temps l’on se sent entouré par ces hommes, par ces femmes, par ces filles qui étaient libres, hier, de courir sur les routes et qui ne sont plus aujourd’hui que les prisonniers d’un administratif décret.
— « Vous comprenez, pour le gouvernement, ça coûte moins cher de les entretenir à ne rien faire, que de les laisser en liberté. »
— Un instant, nous avons observé l’homme qui venait de parler ainsi. Celui-ci est le directeur du camp. Il est le seul, peut-être aussi avec son second, un grand gars de 1,90 m, à pouvoir faire respecter la discipline à ceux qui passaient pour n’en avoir aucune.
— Car, le moins que l’on puisse dire, c’est que ces bohémiens avaient une bien mauvaise renommée, du moins autrefois. C’est encore le directeur du camp qui devait nous raconter que, dans les pays d’Europe centrale jusqu’au XVII e siècle, il était parfaitement licite de tuer un gipsy. Plus récemment, à peine quelques années avant la guerre, toute une caravane resta bloquée entre la frontière suisse et française ; aucun des deux gouvernements ne voulait les laisser pénétrer sur son territoire.
— Dans ce cas, ils seraient parfaitement bien s’il n’y avait pas les quatre côtés limités par un mur infranchissable.
— Une nouvelle fois, nous nous sommes mis à observer notre interlocuteur. Celui-ci ne
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