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L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes

L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes

Titel: L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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l’éclosion de sentiments profonds et d’amours juvéniles. On ne voyait pas de cœurs gravés dans l’écorce des arbres dans lesquels les jeunes amoureux inscrivent leurs prénoms, mais on voyait dans les lavabos ou sur les cloisons cachées des baraques, des cœurs percés d’une flèche et portant un prénom et souvent un numéro précédé de Z (tsigane) par exemple : Mietek –> Z 8247, etc.
    — Il y avait aussi des tsiganes hommes jeunes et moins jeunes qui, avec une vanité naïve, s’échafaudaient et entretenaient péniblement une réputation de héros d’aventures galantes, tel ce Heinz, employé subalterne quelque part à la cuisine ou à la Schreibstube.
    — Il venait tous les jours rendre visite à une jeune femme malade, dans notre Block. Il l’appelait Liselotte son épouse et elle l’appelait Heinz son époux. À quelque temps de là, alors qu’elle avait quitté l’hôpital depuis plusieurs semaines, je rencontre Heinz et lui demande amicalement :
    — « Comment ça va ? »
    — Il me répond par la plaisanterie usuelle au camp tsigane : « Schlechten Menschen geht simmer gut. » (Les méchantes gens vont toujours bien.)
    — « Et Liselotte, comment va-t-elle ?
    — « Quelle Liselotte ? J’ai beaucoup de Liselotte. »
    — J’ai constaté et vérifié depuis le commencement de mon séjour et jusqu’à la fin de l’existence du camp que les femmes tchèques et slovaques étaient d’une fidélité exemplaire. L’attrait des avantages alimentaires et vestimentaires a rarement été déterminant dans l’acceptation d’une situation de concubine ou d’épouse « à la mode tsigane ». Les tsiganes allemandes, par contre, se laissaient plus facilement éblouir par des perspectives de bien-être alimentaire et vestimentaire. Quant aux relations des S.S. avec des femmes tsiganes allemandes, il y avait aussi un facteur adjuvant dans la communauté de la langue et souvent des souvenirs communs du temps où elles étaient libres.
    — Beaucoup de S.S. venaient régulièrement rendre visite à des femmes tsiganes et des jeunes, souvent leurs propres fillettes, faisaient le guet afin que la maman et le S.S. ne fussent pas surpris, ce qui aurait pu avoir des conséquences graves pour les deux.
    Il ne faut pas attribuer le consentement de ces femmes à la vénalité. Il s’agissait souvent d’un amour sincère ou d’une chasteté mal supportée. D’autre part, aux yeux des tsiganes allemandes, les S.S. étaient des soldats et la vue de ces soldats leur était familière dans la vie libre (dehors comme on disait au camp pour désigner la liberté). Ces soldats étaient au camp parce qu’ils y étaient affectés et dans l’esprit des tsiganes allemands qui n’avaient aucune notion politique, le S.S. n’était pas un ennemi.
    — En juillet-août 1943, j’avais parmi mes malades un jeune homme atteint du typhus et amputé des deux jambes à la suite de blessures accidentelles. Ce malade, tsigane tyrolien, recevait fréquemment la visite d’un S.S. autrichien, un magnifique gaillard, son ami d’enfance. Chaque fois le S.S. me disait :
    — « Soigne-le bien, tu auras deux cigarettes. »
    — La perspicacité des mamans remarque vite que leur fille plaît. Ainsi la maman de Lisa. Lisa avait dix-sept ou dix-huit ans et elle était à l’hôpital en même temps que sa mère, toutes deux atteintes du typhus et d’une gale surinfectée. Lisa était blonde et avait des formes sculpturales. Malgré ses cheveux coupés, sa maigreur et sa gale, personne ne pouvait la voir sans l’admirer. Sa maman s’aperçut qu’on lui jetait des regards admiratifs. Elle m’appela un jour près de son lit et me dit :
    — « Vous savez, Lisa n’est pas vraiment tsigane, elle n’a qu’un “minus”. »
    — Ce qui signifie que les anthropologues hitlériens n’ont pas réussi à déterminer avec certitude le taux de sang tsigane qui coulait dans ses veines. Je lui ai répondu ce que n’importe qui lui aurait répondu, que la beauté et la grâce de Lisa, malgré son sang tsigane, dépassaient de loin la beauté de beaucoup d’aryennes allemandes, et cela quand même elle en aurait un « taux » plus élevé. Que dire ? L’œdème et l’entérite de carence n’ont pas tardé à survenir et le chef de Block la fit transférer dans le Block du Durchfall (diarrhée) où les paillasses étaient pourries et les malades, de toute façon, sacrifiées. J’allais

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