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L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes

L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes

Titel: L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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de travail. Ma sœur et moi avions 800 marks et chacun son livret de travail. Stopper me demanda :
    — « Ne voulez-vous pas retourner à votre travail ? »
    — Nous répondîmes :
    — « Oui, mais avec notre mère. »
    — Mais cela nous fut refusé.
    — Et nous montâmes tous dans des wagons à bestiaux, par cinquante personnes, et sur ces wagons était écrit : « Auschwitz ». Nous roulâmes presque sans arrêt pendant trois jours et trois nuits et la faim et la soif nous tenaillaient. Arrivés au camp nous avons dû marcher encore longtemps avant de gagner notre place. Le matin, une dame nous répartit le travail. En portant de lourdes pierres nous devions sauter par-dessus un fossé profond. Sur les huit cents qui avaient quitté de bon matin le camp, seuls quatre cents sont revenus. C’est ainsi que commencèrent nos épreuves.
    *
*   *
    — Le (38) camp entier dormait déjà au moment où nous en traversions le seuil. Les maisonnettes toutes basses, baraques accroupies au sol, étaient plongées dans une obscurité complète et dans le silence. L’intérieur du camp n’était pas éclairé. Nous avancions guidées par nos gardiens. Les contours d’une grande baraque apparurent devant nous dans l’ombre. On ouvrit une porte pareille à celle d’une grange, l’intérieur était éclairé. Nous y entrâmes toujours par rangs de cinq et formâmes un carré sous un des murs. Tout l’intérieur de la bâtisse était déjà rempli d’êtres humains. Nous distinguons un groupe bigarré de tsiganes parmi la foule d’autres groupements rangés en carré comme nous. Plus loin, nous aperçûmes un certain nombre de Françaises habillées avec soin, avec des figures d’intellectuelles et qui avaient l’air de voyageuses aisées, mais fatiguées par l’attente d’un train en retard.
    — Les Tchèques attiraient l’attention par leur attitude assurée et nous en imposaient par leur calme. Des jeunes filles serrées dans un coin et intimidées étaient d’une nationalité que nous n’arrivions pas à distinguer. Notre groupement polonais, qui comptait environ deux mille personnes, présentait l’image la plus bigarrée. Il y avait des mendiants en haillons ramassés dans la rue, des tsiganes en leurs robes colorées, des filles « de joie », d’une élégance voyante, des juives, des paysannes emmitouflées dans leur châle, des dames élégantes richement habillées. Enfin, tout de suite après nous, d’autres femmes entrèrent venant d’Allemagne ; il y avait parmi elles non seulement des Allemandes mais également des jeunes filles d’autres nationalités, pour la plupart punies pour abandon de travail. Six mille femmes environ attendant la suite des événements suivent chaque geste ou chaque parole des S.S.-Frauen (femme S.S.) et des hommes S.S. en uniforme, ainsi que des détenues en leur robe rayée qui tournent autour de nous, afin de deviner le secret du camp.
    — On nous permit de nous asseoir sur des bancs, des tabourets, des briques ou tout simplement sur le sol de terre battue. L’ordre part on ne sait d’où, nous enjoignant de rendre toutes les provisions que nous avons sur nous. Des Allemandes, des détenues âgées passent parmi nos rangs en contrôlant et en fouillant et en nous enlevant nos provisions. Nous ne comprenons pas, à vrai dire, pourquoi nous sommes obligées de les rendre, mais nous savons bien qu’il n’y a pas lieu ici de demander des explications et de comprendre. C’est seulement après que j’ai compris comment il se faisait que les détenues exerçant des fonctions privilégiées avaient toujours une masse de mangeaille, parfois même de douceurs caractéristiques pour différentes nationalités.
    — La nuit s’achevait, c’était déjà la troisième nuit d’affilée depuis notre départ et des femmes éreintées sommeillaient dans tous les coins. C’était en quelque sorte des campements de différentes nationalités qui se sont formés là. Dans le groupe des tsiganes, une jeune femme commença à accoucher. Elle se tordait de douleur ; on l’étendit par terre. Toutes les femmes furent émues. Une doctoresse qui faisait partie du groupe des Tchèques essaya de soigner la femme en couches. La chaleur et la maîtrise de soi dont rayonnait sa figure jeune et belle exerça une influence sur nous autres et nous tranquillisa sur le sort de la tsigane. D’ailleurs, nous étions convaincues que la situation telle qu’elle

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