L'Homme au masque de fer
voulez-vous dire ? s’exclama le père adoptif d’Henry.
– Pour l’instant, ne m’interrogez pas.
– Le roi, laissa échapper Gaëtan.
– Silence !
– Mais non, dit le Gascon, le roi… admettons qu’il eût appris la vérité, est incapable d’un acte de félonie.
– J’en suis convaincue, moi aussi, appuya M me de Chevreuse.
– Alors, qui ?
– Vous connaissez Colbert ?
– Alors, vous croyez…
– Ce ne peut être que lui…
– Ce grimaud aux yeux torves et aux sourcils broussailleux…
– Qui a l’étoffe d’un grand ministre et qui ne tardera pas à le devenir.
» Vous allez voir, mon ami, que ce n’est point sur des impressions plus ou moins vagues que j’accuse Colbert d’avoir fait enlever le fils de Mazarin et d’Anne d’Autriche, le demi-frère de son roi, mais sur un fait précis, qui ne peut que renforcer ma conviction et décider la vôtre. »
Et la duchesse fit avec force :
– Ces jours derniers, j’ai vu sortir du cabinet de M. Colbert, un homme que vous connaissez bien et qui, comme vous et moi, est au courant du secret de la naissance d’Henry.
– M. de Durbec ?
– Oui !…
– Alors, il n’y a pas d’hésitation possible ! Marie, vous avez deviné la vérité. Je sais ce qu’il me reste à faire.
– Quoi donc ?
– Je vais aller de ce pas trouver M. de Durbec et le sommer de me dire ce qu’il a fait d’Henry.
– Il ne vous dira rien.
– Alors je le tuerai.
– Mauvais moyen, mon cher Gaëtan, car vous aurez détruit ainsi votre seule source d’information.
– Mais, bouillonna littéralement le Gascon, puisque vous prétendez qu’il ne dira rien !
– Oui, si vous employez la menace, pas, si vous employez la ruse. Au cours de votre existence, vous m’avez déjà souvent prouvé que vous saviez vous servir aussi adroitement de cette arme que vous utilisez vaillamment votre épée.
– Marie, comme toujours, vous avez raison. J’étais fou de douleur et de rage, mais n’est-ce pas effroyable de penser qu’on m’a volé mon fils ? Après vous, Marie, c’est l’être que j’aime le mieux au monde.
– Vous pouvez dire : avant moi, mon cher Gaëtan, je ne serai pas jalouse.
– Ah ! Marie, Marie, s’écriait Castel-Rajac en attirant sa maîtresse dans ses bras.
Puis, d’une voix redevenue toute vibrante d’énergie la plus magnifique, le chevalier s’écria :
– Ne pensons plus à nous. Ne songeons plus qu’à lui. Il me vient une idée.
– Dites ! s’écriait Marie de Rohan, qui avait toute confiance dans la fertilité d’invention du Gascon.
– Si je me déguisais de telle façon qu’il serait impossible à l’œil le plus exercé de me reconnaître et si je m’attachais à suivre M. de Durbec, ne pensez-vous pas que j’arriverais à surprendre certains renseignements qui nous mettraient sur la voie de la vérité ?
– J’en suis persuadée ! déclara la duchesse.
– Dès à présent, je vais me mettre en chasse, dit le chevalier. Je suis en congé pour huit jours. Il faudrait vraiment, si je n’arrivais pas dans ce délai à un bon résultat, que Dieu fût contre nous, et cela n’est pas possible.
La duchesse s’écria :
– Vous ne pouvez vous imaginer, mon ami, combien je suis heureuse de vous entendre parler ainsi.
Gravement, Castel-Rajac reprit :
– J’ai juré de défendre et, au besoin, de sauver Henry, je tiendrai mon serment jusqu’au bout.
– Allez, mon ami, encouragea la duchesse, car je devine que vous avez grande hâte d’entrer en campagne.
– Certes !
– Un mot, cependant.
– Je vous en prie.
– Faites que la reine n’apprenne pas la disparition d’Henry, car elle ne serait pas assez forte pour cacher sa douleur, et les manifestations auxquelles elle se livrerait ne pourraient que compromettre définitivement celui que nous voulons arracher à ses geôliers.
– Comptez sur moi, affirma Gaëtan. J’espère bien, d’ici peu, vous apporter la bonne nouvelle.
Et, après avoir serré tendrement son amie dans ses bras, il partit, tout son être tendu vers la délivrance de celui auquel il avait donné toute son âme.
Le généreux Gascon allait, cette fois, se heurter contre le néant.
M. de Durbec était introuvable.
Discrètement, Castel-Rajac s’informa de lui. On lui répondit qu’il avait été chargé d’une mission auprès du roi de Perse…
Et ce ne fut qu’au bout d’une longue
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