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L'honneur de Sartine

L'honneur de Sartine

Titel: L'honneur de Sartine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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sourit, impassible.
    Il sortit du cabinet, ravagé d’une sourde colère. Ce n’était pas la première fois que la reine dévoilait cet aspect de sa nature. Certes, il connaissait l’ingratitude des grands. Constituait-elle pour eux une véritable obligation, une sauvegarde qui les cuirassait d’indifférence et d’oubli ? Éperdu, Louis le rejoignit et serra son bras. Il avait réussi à prendre congé en arguant des ordres du roi. Nicolas frémit de joie en sentant qu’il n’était point besoin de paroles entre eux.
    Sous le présent règne, le grand lever déroulait son cérémonial immuable de plus en plus tard. Il y avait foule dans la chambre d’apparat. Nicolas observait toujours avec distance, armure dont il ne se départissait jamais, l’espèce d’agitation silencieuse, ce bruissement d’insectes, qui entourait la personne du souverain en représentation. Ceux-là, liés par le sang courant dans leurs veines, toisaient avec mépris les plus récents dans la faveur des entrées. Ceux-ci faisaient semblant de paraître, composant leurs atti
tudes, les modelant sans vergogne sur celles qu’ils estimaient convenir aux circonstances et à l’honneur insigne qui leur était dévolu. Le roi musait à son habitude, à grand renfort de rires et de brusqueries. Il taquinait ses valets comme s’il avait voulu compenser par une espèce de légèreté cette pesante liturgie.
    – Ah ! fit-il, jovial. Les Ranreuil père et fils.
    Louis, à qui son père avait fait la leçon, se jeta aux pieds du roi en murmurant quelques mots inintelligibles. Le roi le releva.
    – Monsieur le lieutenant. Qui me passera désormais mes fusils à la chasse ?
    – Je les braquerai sur vos ennemis, Sire, répondit le jeune homme qui avait retrouvé ses esprits.
    Un murmure flatteur salua son propos.
    – Faites en sorte de satisfaire vos chefs et je serai content de vous. Le marquis m’a été heureusement donné par mon aïeul. Votre père vous confie à moi pour mon service.
    – Il chassera de race, Sire, dit le maréchal de Richelieu qui s’était avancé.
    Le roi le considéra froidement et lui tourna le dos.
    – Messieurs, dit-il aux Ranreuil, allez faire vos remerciements à mon frère Provence.

    Nicolas sortit radieux des appartements. Les propos du roi feraient événement et rachèteraient sans conteste les échos de l’audience de la reine. Ils s’acheminèrent pour achever ce périple de l’étiquette vers les appartements du comte de Provence à l’extrémité de l’aile nord du château, face au Grand Commun.
    Monsieur les accueillit avec cérémonie, entouré de ses proches et de son ami Creutz, ambassadeur de
Suède, vieille connaissance de Nicolas. Le prince, comme le roi, avait fort engraissé. Une maladie lui avait fait tomber les cheveux, le contraignant à porter perruque. Le col enfoncé dans le torse faisait ressortir le bouffi du visage. Une bouche bien dessinée et spirituelle rachetait un œil gauche plus grand que le droit. Le soin extrême de la vêture, un habit gris perle brodé de fleurettes roses et bleues sur lequel tranchait le cordon du Saint-Esprit, restaurait une apparence dont le détail décevait. Louis réitéra son compliment et Nicolas le fit reconnaître par son colonel comme vicomte de Tréhiguier. Le prince, qui avait le don de l’improvisation facile et des paroles suaves, répondit au compliment dans les termes les plus flatteurs, puis s’adressa à Nicolas.
    –  Namque et nobilis et decens.
    Et centum puer artium
    [ Noble plein de grâce
    Orné des talents les plus divers ].
    Il me vient à l’esprit certaine joute en Horace. Auriez-vous perdu la main, monsieur le marquis ?
    – Point, monseigneur.
    Late signa ferret militiae tuae
    [ Il portera au loin la gloire de vos drapeaux ].
    Provence battit des mains d’enthousiasme. Il attira Nicolas à l’écart, le visage plein se plissa d’ironie.
    – Vous souvient-il que, la dernière fois que nous avons causé, je vous avais proposé de protéger votre fils ?
    – Je n’ai garde de l’oublier, monseigneur. À mon tour de vous remercier de la faveur faite à ma famille.
    – Mais que diable aller mettre ma tante Louise en tiers dans cette affaire ! Il suffisait de m’en par
ler. Outre l’estime que je vous porte, l’enfant est un cavalier hors pair qui fera honneur, pour le coup, à mon régiment.
    Il était plaisant d’entendre ce jeune homme à peine plus âgé que Louis parler comme un

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