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L'honneur de Sartine

L'honneur de Sartine

Titel: L'honneur de Sartine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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sur un artisan capable de refaire mon vase.
    – Auquel vous teniez beaucoup, quoique sans grande valeur. Tout cela est d’une clarté aveuglante ! Sans aucun doute un souvenir d’une ancienne amitié ?
    Le silence seul répondit à la question. L’homme transpirait d’une mauvaise sueur qui empuantissait l’air du bureau. L’inspecteur alluma sa pipe.
    – Et pourquoi s’adresser à ce magasin alors que, rien que sur le Pont-Neuf, vous auriez sans effort trouvé une demi-douzaine de raccommodeurs ?
    – Je ne saurais vous dire.
    – Je ne peux l’imaginer à votre place. Autre chose, depuis quand vous êtes-vous retiré à l’affection de vos proches ?
    – Quelques jours.
    – Mais encore ? Savez-vous que la charmante Mlle Lofaque se plaint amèrement que vous la délaissez ?
    – Je ne sais. J’ai dormi et bu. Cela m’a engourdi l’esprit.
    – Pas seulement l’esprit, semble-t-il ! remarqua Bourdeau.
    – Voyez-vous, j’aimerais beaucoup connaître votre emploi du temps durant la journée du mercredi 7 juin. Le mercredi de la semaine passée, n’est-ce pas ?
    – Comment voulez-vous qu’il m’en souvienne ! Je ne tiens point le rapport de mes journées !
    – Alors posons la question autrement. Quand avez-vous vu pour la dernière fois Tiburce Mauras, valet de maison bourgeoise aux Porcherons ?
    – Je ne le connais pas.
    La réponse vint trop vite.
    – Ce n’est point ce qu’affirme votre amie, Mlle Lofaque.
    – C’est la jalousie qui la travaille, la garce !
    – Bon ! Il faut être poli avec les dames. Mais moi, je sais que depuis longtemps un couple de bonne venue offre parfois à un amateur curieux un spectacle qui fouette ses sens émoussés. Que cet amateur, au demeurant un vieillard, paye fort cher ces exercices à la donzelle. Laquelle entretient aussi un jeune homme de bonne mine fort dépensier, fort joueur, fort infidèle. Que dites-vous de ce conte-là ? Rien, bien sûr, car vous savez qu’il est de toute véracité. Qu’on fasse paraître M. Armand Bougard de Ravillois.

    Pendant le laps de temps qui s’écoula avant que le prisonnier rejoigne le bureau de permanence, Nicolas parla à voix basse à ses adjoints. Enfin Armand de Ravillois, pâle et défait, entra. Encore une fois Nicolas observa combien l’incarcération pouvait briser un homme. Cependant même après des années de vie policière, il ne savait ce qu’il devait en déduire. Les deux prévenus s’entre-regardèrent sans que, de cet examen réciproque, on pût déduire qu’ils s’étaient déjà rencontrés.
    – Messieurs, vous me voyez désolé de cette réunion. Apparemment vous ne vous connaissez pas, les présentations sont d’ailleurs inutiles. La seule chose qui importe c’est le point commun qui vous réunit. L’un et l’autre détenez des objets qui n’auraient pas dû être en votre possession ni se trouver éloignés de leur double. Ils sont frères et ne prisent guère la séparation. Vous, Bougard…
    Il posa sur le bureau le céladon intact.
    – … cet exemplaire a été trouvé dans votre sacoche à Sézanne. Et vous, Meulière, cet autre, en morceaux, sous votre paillasse. Morceaux que vous souhaitiez, selon vos dires, faire raccommoder… ou vendre rue du Roule avant que l’objet ne soit brisé. L’un et l’autre demeurez cois sur l’origine de ces vases. Vous, Bougard, avez eu l’occasion de le dérober, soit dans la chambre de votre grand-oncle le soir de sa mort, soit de vous en saisir dans celle du malheureux Tiburce Mauras mort… égorgé.
    – Ce n’est pas possible… Il a…
    Nicolas ne bougea pas et fixa ses assistants pour qu’aucun ne relève ce que pouvait avoir de curieux la réaction du garçon tabletier.
    – Je comprends, reprit-il, l’émotion qui vous étreint en apprenant la mort tragique d’un vieil homme avec lequel vous avez partagé tant de moments précieux. Reste, messieurs, que dans l’état de mon enquête criminelle, j’ai le regret de vous l’annoncer, vous êtes suspects tous les deux. Oh ! Je ne vous dissimulerai rien et vais vous exposer minutieusement les hypothèses que j’ai, à la réflexion, formées sur cette affaire. Il y a plusieurs manières d’envisager la question. Permettez-moi de vous conter une histoire. Dans le désordre d’une maison frappée par la mort, un vieux valet, dont les fidélités réelles ou feintes s’éteignent avec la disparition de son maître, s’empare d’une

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