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L'honneur de Sartine

L'honneur de Sartine

Titel: L'honneur de Sartine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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dernier coup d’œil, les deux policiers quittèrent l’appartement de M. de Chamberlin. Alors qu’ils s’apprêtaient à rejoindre le rez-de-chaussée, un homme grand, la chevelure brune mêlée de gris, en habit feuille morte, les arrêta. Le commissaire fut frappé par son regard.
    – Monsieur, je suis Richard Melot. Je suis commis à la ferme et bras droit de M. de Ravillois. Son épouse souhaiterait vous parler. Si vous voulez bien me suivre.

    L’appartement de Mme de Ravillois se trouvait à l’opposé de la chambre de son oncle. Nicolas et Bourdeau furent introduits dans un boudoir très clair aux murs tendus de cotonnades fleuries. D’un coup d’œil ils envisagèrent la scène qui se présentait. Une femme était assise dans un canapé couleur jonquille. Elle semblait menue et comme bossue dans l’abandon de son attitude. Elle présentait un visage très pâle aux joues un peu trop rebondies avec de grands yeux sombres profondément espacés. La bouche, sur des dents serrées, ne s’abandonnait pas. Elle donnait l’impression de fixer un spectacle invisible perdu dans le vide. En l’absence de fard, son teint éblouissant ressortait d’autant. Aucun bijou ne la parait, sinon un collier et des bracelets de tissus. Sa robe de soie ruchée vert sombre, et son manteau léger de soie noire dont la capuche en mantille glissait sur des cheveux tressés à l’ancienne, ajoutaient encore à l’étrangeté de cette figure de madone. Près d’elle, un enfant lui tenait la taille comme pour la protéger, les jambes à demi fléchies, en culotte et justaucorps de velours noir. La famille portait-elle déjà le deuil ? Le groupe ainsi formé frappa Nicolas comme un tableau. Cette femme était-elle belle ? Aucune réponse ne s’imposait tant son apparence était surprenante. Il s’approcha et s’inclina. La statue hocha la tête.
    – Madame, vous avez souhaité me parler.
    – Oui, dit le commis. Elle apprécierait de vous entendre sur les circonstances.
    Nicolas n’aimait pas qu’on se substitue ainsi à son interlocuteur.
    – Monsieur, je suis au désespoir d’apprendre que mon oncle est supposé avoir été assassiné.
    Ah ! songea Nicolas. On pouvait remercier le notaire. À peine sorti de l’appartement de M. de Chamberlin il avait dû se mettre à gloser.
    – Madame, j’ai le regret de confirmer qu’il y a apparence que la mort accidentelle de votre oncle ait été provoquée par malignité.
    Elle se tamponna les yeux un long moment et enfin regarda le commissaire. Ce faisant, le mouchoir tomba, que Nicolas ramassa. Elle le remercia et en se relevant Nicolas fut frappé par l’attitude de l’enfant. Un page protégeant sa reine.
    – Et quelles conséquences cette affirmation recèle-t-elle ?
    – L’ouverture d’une enquête. Le corps de votre oncle a été examiné par son médecin.
    – Est-il bien fondé à en juger ? dit M. Melot. Ne serait-il pas plus avisé d’en consulter d’autres ? En ces matières les erreurs abondent et, pour le coup, sont de conséquence.
    – Monsieur, je ne doute pas de votre expérience dans ce domaine, ce n’est pas l’examen du cadavre qui a établi notre certitude. Madame, notre conviction ressort d’une autre constatation.
    – Et quelle est-elle ? De quel ordre ?
    – Elle sera présentée au Magistrat et soumise aux juges qui auront à évoquer la cause.
    Elle ne manifesta rien à cette absence de réponse. L’enfant se serra contre elle, caressant sa chevelure contre la joue de sa mère.
    – Et le corps de mon cher oncle ?
    Elle s’essuya à nouveau les yeux.
    – La famille pourra en disposer et organiser ses funérailles. La dépouille ne peut en rien aider la justice. Madame, hier soir vous receviez. Puis-je connaître les noms des invités conviés ?
    – Ces détails sont-ils vraiment nécessaires ? intervint derechef le commis.
    – Madame…
    – Laissez, Richard, puisqu’il le faut… Étaient présents mon époux, moi-même, Armand mon fils aîné, M. Melot ici présent, le comte de Besenval et M. de Sainte-James.
    – Votre belle-mère ?
    Le regard se fit lointain.
    – Mme Bougard s’abstient de paraître aux soupers conviés.
    – Le comte de Besenval est-il de vos intimes ?
    – Il est en affaires avec mon époux.
    – Dans quel domaine, je vous prie ?
    – Les objets de curiosité, les porcelaines des Indes orientales. M. de Ravillois envisage de se séparer de pièces

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