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L'honneur de Sartine

L'honneur de Sartine

Titel: L'honneur de Sartine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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aussitôt la parole avec sa gouaille coutumière.
    – Quel bon vent vous conduit ici ? J’avais l’habitude de vous traiter à la Courtille. En fait on ne m’y voit plus guère, c’est mon fils qui tient le Tambour royal . Mais j’ai repris ici. À tout commerce nouveau il faut donner l’éclat, pas vrai ? Et quoi de plus éclatant que Ramponeau ? Pour sûr, le Tambour ça avait tout une histoire. À vous je peux bien le dire, du mauvais vin, du ginguet à petit prix. Enfin, mauvais, point pour tout le monde. On réservait, n’est-ce pas, la qualité pour les amis. C’est qu’j’avais du
beau monde et du plus relevé. Grandes dames, hauts seigneurs, la cour et la ville affluaient chez moi.
    Il s’adressa soudain à une serveuse en cotte rouge qui passait près d’eux, portant des plats fumants.
    – Hé, la Mariette, un grand pichet de vin de Suresnes de ma réserve, hein ! Pour des amis. Et vite, il fait soif. Où en étais-je ? Et quoi de mieux qu’un beau petit scandale pour vous mettre au premier plan ? Y a déjà vingt ans, un certain Gaudon, qui me prenait pour une quille, ne v’là t-y pas qui m’veut faire monter sur une scène comme à la foire Saint-Laurent ! Au début je calcule que ça me ramènera de la pratique, puis je réfléchis qu’il fera rire de moi. J’avais tout à risquer dans cette aventure qui m’abandonnerait aux moqueries du parterre. Pommes pourries et trognons de choux ! Vous me direz que j’avais signé un marché, mais comme j’le jugeais injuste, pas de raison de l’honorer. M’produire ainsi sur le rempart du boulevert 11 comme Arlequin ? Suis-je-t-y une bête curieuse ? Le bougre a vite senti ce que l’on doit à un cabaretier. Un comme ego qui donne à boire à petit prix à un peuple très inflammable pour le calmer. La police devrait me remercier !
    Il eut un clin d’œil éloquent vers les policiers.
    – Ces brocardeurs que vous voyez tout autour de nous viennent chez moi sanctifier les jours de salut et de miséricorde. S’empiffrent comme des gorets et s’arrosent en proportion. Pour sûr, je donne à travailler aux médecins de ceux qui abusent et ruinent leur santé. J’avions ma part aux progrès du siècle. J’participe à la prospérité du royaume. Le vieux Fritz à Berlin gargouille, selon la Gazette, qu’un royaume est tant riche que par les hommes. Ici c’est-y-pas un
temple de la fécondité heureuse ? Les filles qui en veulent, et même les autres, peuvent-elles pas y trouver le plus grand choix de vigoureux gaillards ? C’que Bacchus détruit d’un côté, Vénus l’rétablit de l’autre, et hop ! Grâce à qui ? À Ramponeau, un vrai fil en trop  !
    – J’ai toujours considéré que vous étiez en effet un philanthrope , dit Nicolas, écrasant le pied de l’inspecteur écarlate de rire contenu. Et êtes-vous satisfait de La Grande Pinte  ?
    – Peuh ! C’est selon, ça bat d’une aile. La Grande Pinte, j’en voulais faire un autre Tambour , mais les temps et la clientèle ont changé. Des beuveries le dimanche et même le lundi, des goûters de commis, des soupers de petits marchands et quelques parties carrées, quelques festins de noces, c’est bien le bout ! La concurrence est rude ; désormais la recette du Ramponeau est connue. J’ai donné le la et les mauvais crincrins ont vite compris la musique. Les boutiques de marchands de vins s’multiplient. J’vas encore être obligé de baisser les prix et, ma foi, la qualité s’en ressentira… Reste la matelote, ma reine ! Là, j’ai point de rivaux.
    Il agitait une chevelure léonine et empoissée. Son visage violacé à la bouche de travers et aux petits yeux sans cesse en mouvement ne plaidait pas en faveur de l’aménité de son caractère. Avant de s’éloigner, il cingla de la main le haut de la jupe de la servante accourue avec la boisson.
    – Grouille, ma jolie garce, tu vois ces beaux messieurs, ce sont des amis. Le meilleur pour eux. Je vous laisse, la pratique veut me parler. Ramponeau n’est pas comédien, mais toujours sous les feux de la rampe !
    – Que nous proposez-vous, jeune fille ? dit Nicolas souriant.
    – Ben, en v’là un qu’est honnête au moins, et joli garçon en plus ! dit-elle, se campant les mains sur les hanches en lorgnant le commissaire. J’vas vous faire une faveur ; l’lundi faut prendre garde, on sert les restes du dimanche. Comme y fait bien lourd, ils tournent ! Aussi comme vous êtes,

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