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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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commanda le duc. Quelques instants après, Bruscaille, Bragaille et Brancaillon faisaient leur entrée, s’avançaient en ligne, saluaient d’un même mouvement automatique. Le duc ordonna :
    – Dites, répétez-moi ce que vous avez fait du cadavre.
    – Monseigneur se moque de nous, dit Bragaille.
    – Faut-il aller le repêcher ? demanda Bruscaille.
    – Pourquoi faire ? fit Brancaillon.
    Le duc se rassurait. Bruscaille, sans se tromper d’un mot, recommença l’histoire des deux pavés attachés l’un à la tête, l’autre aux pieds, et du petit voyage en barque jusqu’au milieu du fleuve, promenade sentimentale qui s’était terminée par le plongeon du sire de Passavant dans les flots.
    – Dans l’éternité, ajouta religieusement Bragaille.
    – C’est bon. Allez-vous-en, dit Jean sans Peur.
    Ils firent demi-tour avec cet ensemble de mouvements qui les distinguait, et se retirèrent sans demander leur reste. Ils étaient un peu pâles et flairaient vaguement que l’affaire du cadavre pourrait bien se terminer avec une banalité contre laquelle d’avance ils protestaient : par exemple, trois cadavres au bout de trois cordes.
    – Vous voyez, dit alors Jean sans Peur, l’homme est mort, bien mort.
    Scas, Guines, Ocquetonville et Courteheuse se regardèrent.
    – Il est bien mort ! se dirent-ils atterrés.
    Atterrés de ce qu’il fût mort… Un instant, ils avaient « espéré » que Passavant était vivant. Et alors, leur bonne dague au poing, ils ne craignaient plus rien. Mort, c’était autre chose. La voix qui les avait menacés venait du mystère. On ne lutte pas contre le mystère. On le subit.
    – Nous sommes perdus ! se dirent-ils du regard.
    Tant bien que mal, se complétant l’un par l’autre, ils entreprirent le récit de l’affaire de la rue Barbette.
    Jean sans Peur écouta en frémissant. Lorsque Ocquetonville lui affirma qu’il avait vu jaillir la cervelle sous le coup de hache, le duc de Bourgogne eut un long soupir. Sa vieille haine s’apaisa. Il éprouva quelques minutes la profonde allégresse d’une délivrance. Et presque aussitôt, il mesura d’un sombre coup d’œil de pensée à quelles hauteurs le plaçait l’événement.
    Il n’y avait plus que Berry à dévorer : une bouchée. Et il serait alors seul maître du royaume… roi, peut-être – sans doute ! qui pouvait l’empêcher de mettre sur sa tête la couronne du fou. Il se vit roi. Et près de lui, la reine…
    – La reine ? Quelle reine ?…
    Sa femme, Marguerite de Hainaut ?
    Non, ah ! non. Ce n’était pas une reine pour lui. La haine éteinte dans le sang, l’ambition satisfaite par le vol, il lui fallait l’amour.
    Qui, alors ? Isabeau ?…
    Non, ah ! non. Isabeau, quand il se trouvait près d’elle, l’affolait, oui. La passion le brûlait alors. Mais Isabeau n’était pas une reine pour lui ; tout au plus une courtisane magnifique.
    La reine, ce serait la jeune fille qui d’un geste de sa main fine apaisait les déments comme Charles et les furieux comme Jean sans Peur, la vierge dont le regard contenait toute la pureté des aurores. Il lui fallait cela.
    La reine, ce serait Odette de Champdivers !…
    Jean sans Peur leva les yeux sur les quatre assassins.
    – Allez vous reposer, dit-il. Allez et rassurez-vous. Vous étiez mes serviteurs fidèles. Vous êtes maintenant mes amis. Nous sommes complices. Je vous fais complices de ma fortune. Si haut que je monte, vous monterez avec moi. Ce que je veux, vous l’avez deviné dès longtemps. Je veux la couronne. Vous avez taillé ce soir la première marche de l’escalier qui me conduira au trône. Je serai roi. Je suis roi. Ocquetonville, je te fais mon premier ministre. Scas, tu es mon grand veneur. Guines, je te nomme mon grand chambellan. Courteheuse, tu es capitaine général du Louvre, où se tiendra ma cour.
    Ils s’inclinèrent très bas, pleins de respect et de confiance. Quand ils eurent disparu, Jean sans Peur appela son capitaine, et lui demanda :
    – L’homme est-il venu ?
    – Il est ici, monseigneur.
    – A-t-il fait des difficultés ?
    – Aucune. Il a paru au contraire fort empressé à se rendre au désir de monseigneur.
    Le duc de Bourgogne se dirigea vers la tenture du fond, et, par là, pénétra dans l’intérieur des appartements. Il était à ce moment près de deux heures. Le duc arriva à un petit salon. Avant d’entrer, il s’assura qu’il portait sa chemise en mailles

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