Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
Vom Netzwerk:
lui ai demandé son secret. Pendant des nuits de patience, pendant des années, j’ai, sur ma table de marbre, étudié la structure des cadavres, et je sais maintenant qu’il y a un balancier dans le corps. C’est le cœur. Toute la vie apparente est là, dans ce balancier. Toute la vie réelle est dans le doigt invisible qui pousse ce balancier. Le sang se meut. Son mouvement, c’est l’eau du fleuve faisant tourner la roue du moulin. Dans le cadavre, le sang est immobile et se putréfie. Le balancier est immobile. Si j’oblige le sang à se remettre en mouvement, le balancier fonctionnera, la roue du moulin continuera de tourner. Voilà les apparences. Quant à ce doigt invisible dont je parlais, il est là, derrière le crâne, sous le cerveau… un petit amas de matière, un rien, un tout : le siège de la vie. Là est la force. Là est le souffle. C’est ce petit tas de matière blanche que je veux pétrir. C’est à cela que je donnerai une force de résistance illimitée. Alors, le sang ne pourra plus s’immobiliser. Alors le balancier ne pourra plus s’arrêter. Alors la vie ne pourra plus se suspendre. Alors je serai éternel comme Dieu, et, ayant l’éternité devant moi pour déchiffrer le mystère de la nature, fatalement, l’heure viendra où je saurai tout, et où, sachant tout, je serai Dieu !…
    Pendant que le sorcier emporté par le vol étincelant de son rêve parlait ou plutôt criait ces paroles, le duc de Bourgogne le regardait fixement. Il n’avait retenu qu’un mot, mais ce mot sonnait en lui à toute volée : « Je fais de l’amour ! » Pendant que Saïtano parlait, disons-nous, Jean sans Peur ne s’intéressait qu’à l’étrange phénomène qui s’accomplissait sur la maigre figure :
    Peu à peu, la trace rouge, la main imprimée sur la joue, perdait sa couleur de sang vif, passait au rose, redevenait simple cicatrice pâlie par les ans, et enfin, elle disparut tout à fait.
    Saïtano, haletant, s’arrêta de parler ; Jean sans Peur allongea un doigt frémissant et murmura :
    – La main !…
    – La main ? dit Saïtano étonné.
    Il était bien loin des inquiétudes ordinaires de la vie. Pendant quelques minutes, il avait cessé d’être un homme. Il ne comprit pas d’abord la sourde exclamation terrifiée du duc de Bourgogne. Tout à coup, il se reprit à rire, et grinça :
    – C’est pardieu vrai, monseigneur ! J’avais oublié la trace de la main, le signe d’enfer que je porte au visage… Et vous m’y faites songer. Il faut, ajouta-t-il avec une gravité sinistre, il faut que j’efface cette trace. Tant que je ne l’aurai pas effacée, ma force d’orgueil sera insuffisante pour me conduire au Grand Œuvre…
    – Mais, balbutia Jean sans Peur, elle est… effacée ?
    – Non. Cela vous paraît peut-être ainsi… Mais moi je la sens qui me brûle. Tenez, la voyez-vous qui reparaît ?…
    – Oui, oui. Ceci est étrange, par Notre-Dame !
    – Bien, bien, monseigneur. Ne pensez pas à la main. Laissez-moi y penser seul. Et maintenant que vous savez ce que je puis faire, dites-moi ce que vous désirez.
    Jean sans Peur approuva d’un brusque signe de tête. Quelques instants, il médita sur ce qu’il allait demander au sorcier. Il voulait deux choses. La première : être roi. La seconde : être aimé d’Odette de Champdivers.
    Sur la première question, il n’avait nul besoin du sorcier, mais il avait besoin d’Isabeau de Bavière. Et Isabeau voulait la mort de cette fille.
    Sa passion pour Odette était-elle donc un obstacle à sa passion pour la puissance ? Devait-il donc choisir entre l’une ou l’autre, et, s’il voulait régner, se répéter ce qu’il avait dit : « Je m’arracherai le cœur, mais je serai roi !… »
    Il y avait choc de deux désirs qui semblaient contraires. Un soupir gonfla la poitrine du duc de Bourgogne. Et ce fut avec un amer regret qu’il demanda :
    – Vous vous vantez de « faire » de la mémoire… Pouvez-vous faire de l’oubli ?
    – Pourquoi pas ? dit joyeusement Saïtano. L’un et l’autre s’équivalent. Donc, monseigneur veut « oublier » ? Quelque action qui pèse sur son souvenir et dérange son sommeil ? Quelque spectre d’homme ou de femme ? La première femme aimée, peut-être ? Morte maintenant, morte pour avoir bu quelque liqueur incolore ou s’être heurtée à quelque lame brillante ?
    Jean sans Peur, livide, arrêta le sorcier d’un geste violent,

Weitere Kostenlose Bücher