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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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poursuivirent leur chemin en se donnant le bras. Ils sortaient du cabaret de Thibaud Le Poingre et avaient tout simplement noyé dans le vin ce qu’il pouvait y avoir en eux de remords, ou de terreur.
    Les meurtriers n’étaient pas sans inquiétude. Il se fût agi de quelque bourgeois assommé et dépouillé au clair de lune qu’ils n’y eussent déjà plus songé. La victime eût été un seigneur même d’importance qu’ils se fussent dit : « Après tout, qu’on vienne demander des comptes à Jean sans Peur, et il répondra pour nous… » Mais celui qu’ils venaient de tuer s’appelait Louis I er d’Orléans. C’était un fils de roi. C’était le frère de Charles sixième. Que le nom des meurtriers fût découvert et il y allait de la hache – même pour Jean sans Peur.
    C’était là du remords, – du bon.
    Le vin de Thibaud avait mis bon ordre à ce remords, ce qui prouve la supériorité du bon vin sur les sentiments importuns.
    Arrivés devant la grand’porte de l’hôtel, ils jetèrent les hauts cris pour qu’on leur ouvrit.
    Derrière eux, du fond des ténèbres, jaillit une voix qui les fit se retourner hagards et frissonnants. La voix criait :
    – Ocquetonville !… Ocquetonville !…
    – Entendez-vous ? fit Ocquetonville en claquant des dents.
    – C’est « sa voix ! » grelotta Guines.
    – La voix du mort ! râla Courteheuse.
    – Réponds ! Mais réponds donc ! gronda Scas.
    – Ocquetonville ! Ocquetonville ! répéta la voix, jaillie des abîmes de la nuit.
    – Me voici ! dit Ocquetonville. Que veux-tu ?…
    Il chancelait. Il était mourant de terreur.
    – Ocquetonville, cria la voix, tu mourras de ma main. Scas ! Es-tu là ?…
    – J’y suis ! dit Scas dont les cheveux se hérissèrent.
    – Scas ! cria la voix, tu mourras de ma main. Guines, es-tu là ?…
    – J’y suis ! bégaya Guines qui pantelait d’horreur.
    – Guines ! cria la voix, tu mourras de ma main… Courteheuse, es-tu là ?…
    – J’y suis ! dit Courteheuse hébété d’épouvante.
    – Courteheuse ! cria la voix, tu mourras de ma main.
    La voix se tut. Ils écoutaient encore… Ils écoutaient le mystère. Ils tâchaient de voir au loin. Ils voyaient l’épouvante. Soudain ils furent enveloppés de lumière. La porte de l’hôtel s’était ouverte et des gardes s’avançaient avec des torches. Alors les quatre s’étant regardés les uns les autres virent qu’ils avaient tous l’épée à la main. Ils avaient dégainé sans s’en apercevoir, ils se ruèrent dans la cour en criant :
    – Fermez ! Verrouillez ! Tendez les chaînes !…
    On ferma. On verrouilla. On tendit les chaînes. Mais l’épouvante et le mystère étaient entrés avec eux. Sans songer à rengainer, – livides, suants, ils escaladèrent l’escalier, et soudain, se virent dans la salle des armes devant Jean sans Peur.
    – Eh bien ? Eh bien ? haleta le duc de Bourgogne.
    – Monseigneur, cria Scas, l’homme avec qui nous nous sommes ici battus est-il mort ?
    – Damnation ! gronda Jean sans Peur. Ils sont ivres ! Est-ce fait ? Parlez !
    – Monseigneur, râla Guines, qu’a-t-on fait de l’homme que nous avons poussé à l’escalier de pierre ?
    – Sur le tonnerre du ciel ! rugit Jean sans Peur, si vous ne répondez à ma question, je vous fais pendre !
    – Grâce, monseigneur ! dit Ocquetonville qui s’abattit à genoux. Mais nous aimons mieux mourir que d’ignorer une minute de plus où est le sire de Passavant !
    Jean sans Peur comprit que quelque chose d’inexprimablement terrible s’était passé, qu’il était menacé lui aussi, et ce fut une effrayante interversion d’inquiétudes ; en lui l’affaire du guet-apens passa au second plan. Avec une joie farouche, il se félicita d’avoir envoyé son capitaine s’assurer que Passavant était mort, bien mort ! Et en même temps, il se sentit une sorte de défiance contre la destinée au moment où il demanda :
    – Pourquoi ces questions ?…
    Ils ne répondirent pas.
    D’une voix de tonnerre qui mit l’hôtel en révolution, le duc appela son capitaine. Celui-ci accourut tout effaré. Le duc, la gorge sèche, lui ordonna :
    – Dites, répétez-moi ce que vous avez vu en bas.
    – Monseigneur, j’ai fait ouvrir le sac. Et j’ai vu l’homme. Il était déjà raide. Le cœur ne battait plus. Alors j’ai fait refermer le sac qui a été emporté.
    – Envoyez-moi les porteurs,

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