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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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a attaché la pierre de la tête.
    – En sorte que l’homme est maintenant au fond du fleuve ? dit le duc d’une voix sombre.
    – Au fond de la Seine, oui, mort, et bien mort. Si jamais il en revient…
    – On ne revient pas de là où vous l’avez mis, trancha le duc. Prenez et allez-vous-en.
    Chacun à son tour plongea sa main dans le sac éventré et la retira pleine d’or.
    Passavant courait vers la rue Barbette, c’est-à-dire vers ce point de la ville où on devait meurtrir le duc d’Orléans. Ce ne fut pas sans se gratifier d’une libérale distribution d’invectives, pour s’être si malencontreusement évanoui dans son sac. Il se trompait d’ailleurs : ce n’est pas à un évanouissement qu’il devait de s’être attardé en la société de Bruscaille et C ie .
    – Ce seigneur m’a sauvé la vie, grognait-il. Et moi, au moment où je puis m’acquitter d’une telle dette, je m’affaiblis, je m’endors… ah ! triple bélître, va ! Trop tard ! maintenant, j’arriverai trop tard !
    Trop tard il arriva. Et lorsque son pied heurta le page, il comprit que tout était fini. Alors une fureur froide s’empara de lui. Il se maudit. Mais il maudit aussi les meurtriers, et, en premier, le duc de Bourgogne.
    Agenouillé près du page blessé dont il soutenait la tête, il écouta, les dents serrées, le récit qui lui fut fait de la bagarre. Il comprit le plan du guet-apens : les estafiers, en masse, paralysant les pages ou les mettant en fuite, tandis que les assassins attaquaient le duc d’Orléans. Quels étaient ces assassins ?
    – Je les ai reconnus tous les quatre, dit le page.
    – Eh bien, nommez-les, si vous voulez que le malheureux prince soit vengé.
    – D’abord, le sire d’Ocquetonville…
    – Et puis ?
    – Guillaume de Scas, le seigneur de Guines…
    – Et puis Courteheuse, n’est-ce pas ? dit le chevalier.
    – Oui, oui !… Ah ! vous les connaissez donc ?
    – Je les connais. N’en parlons plus. Pensons à vous. Je vais vous transporter chez moi, je vous ferai soigner…
    Passavant essaya de soulever le pauvre page. Mais celui-ci poussa un cri de souffrance.
    – Attendons un peu, dit le chevalier. Prenez courage.
    – Inutile, râla le blessé. Je suis atteint à fond. Je vais mourir. Mais vous, jurez-moi…
    Passavant devina ce que le page voulait lui faire jurer mais le jeune homme n’eut pas le temps d’achever. Il expira dans une secousse.
    Le chevalier s’assura que le page était mort. Puis il se releva. À tâtons, dans les ténèbres, il chercha alors le corps du duc d’Orléans, et, l’ayant trouvé, l’adossa au mur d’une maison, ainsi que les deux autres cadavres. Et il s’en alla.
    Il vacillait. Il avait l’âme pleine d’horreur. N’eût-il eu pour le duc d’Orléans aucun motif de gratitude, que le guet-apens du duc de Bourgogne eût soulevé son cœur. Mais, de plus, le duc l’avait sauvé. Il se rendait compte maintenant que l’intervention de Louis d’Orléans dans l’algarade du Val-d’Amour n’avait pas été sans générosité, car cette intervention pouvait lui attirer la haine de Jean sans Peur.
    À cette pensée, le chevalier s’arrêta et se frappa le front.
    – Et qui sait, frémit-il, si Ocquetonville et ses acolytes n’ont pas raconté cette scène à leur maître ? Qui sait si l’insulte faite à ses quatre séides n’a pas précipité les résolutions de Jean de Bourgogne ? Je serais donc cause de l’assassinat de ce digne seigneur ?…
    Il en pleurait de rage.
    Machinalement, il s’était dirigé vers « la Truie Pendue », tantôt marchant à pas précipités, tantôt s’arrêtant court. Il se trouvait dans la rue Saint-Martin, à cent pas de l’auberge, et il n’y songeait guère.
    Tout à coup, il se heurta à un groupe d’hommes qui menaient tapage, sans qu’il les eût entendus, absorbé qu’il était. Ces gens qu’il heurtait jurèrent tous les diables et le bousculèrent.
    – Au diable l’ivrogne ! cria l’un des inconnus.
    Passavant demeura pétrifié. Passavant se mordit la langue pour ne pas répondre…
    – La peste soit du truand ! grommela un autre.
    – Ce damné bélître nous laissera-t-il passer ?
    – T’écartes-tu, ruffian d’enfer !
    Et Passavant se tut ! Passavant se laissa bousculer ! Passavant se glissa le long des murs…
    – L’ennemi est en fuite, dirent les quatre en éclatant de rire.
    Ocquetonville, Courteheuse, Guines et Scas

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