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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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fleuve.
    Ils ne l’avaient que peu vu. Mais il y avait des années qu’ils pensaient à lui. Leur cœur était plein de lui. Que de fois ils avaient ardemment souhaité le voir et lui offrir leur vie !…
    Ils l’avaient vu. Et c’était eux qui devaient le porter dans une barque jusqu’au milieu de la Seine, et là, le faire glisser dans l’eau. La sinistre ironie de l’aventure les hébétait. Une heure, des heures peut-être, ils rôdèrent sur la grève, Brancaillon cherchait des pavés et il ne les trouvait jamais assez lourds.
    – Il ne faut pas que le pauvre bougre ait rien à nous reprocher, répétait-il après Bragaille.
    Il fallut pourtant se décider. Les deux pavés durent se trouver. On les disposa l’un près de la tête, l’autre près des pieds : il n’y avait plus qu’à les attacher.
    Alors Bragaille se mit à genoux. Les deux autres l’imitèrent. Ils étaient tous trois agenouillés dans le sable de la grève, sur une seule ligne, et devant eux, le corps tout raide. Les trois sacripants, naïvement, récitaient leur « Pater »avec de bizarres interversions de phrases, et des jurons de farouche désespoir.
    Brancaillon disait : « Que votre règne arrive, par tous les pieds fourchus de l’Enfer !… » Les neuf « pater » ainsi commentés et allongés, si longs qu’ils fussent, trouvèrent leur fin, comme toute chose en ce monde.
    Brancaillon, après un dernier juron, approcha, un pavé de la tête et prépara la corde. Bruscaille, avec un soupir, ligotait déjà les pieds.
    Bragaille, pour faire bonne mesure, ajoutait un « ave » aux neuf « pater ».
    À ce moment, le mort éternua.
    Les trois vivants bondirent ; leur premier mouvement fut celui d’une fuite rapide et désordonnée, car c’est chose terrifiante, en y songeant, un mort qui éternue.
    Au bout de vingt pas, ils s’arrêtèrent, se retournèrent, se prirent par la main comme pour se rendre plus forts contre toute nouvelle tentative d’éternuement d’outre-tombe, et, le cou tendu, les yeux hors de la tête, les mâchoires claquantes, ils regardèrent du côté où était la chose. Mais il y avait entre eux et le mort un mur de ténèbres.
    De tout leur être tendu, ils écoutèrent…
    Et soudain, il y eut une fuite plus rapide, plus désordonnée : Ils venaient d’entendre le bruit de l’étoffe qu’on déchire : le mort éventrait son linceul.
    À cinquante pas plus loin, nouvel arrêt, et Brancaillon grelotta :
    – Je ne comprends pas…
    – Eh bien, c’est la même chose que dans le logis de la Cité. Le chevalier de Passavant est un mort qui ne meurt pas. Voilà.
    Dame, lecteur, quelle explication meilleure eussiez-vous trouvée à la place de Bruscaille ? Toujours est-il que, sans le vouloir ni le savoir, il avait dit vrai : c’était le même phénomène. Ce sensitif exceptionnel qu’était le chevalier avait subi le contre-choc des émotions de la nuit. Et maintenant, il sortait de la mort.
    Le sac ouvert par un coup de poignard, il se releva, éprouva quelques minutes de vertige, se raffermit sur ses jambes, et, regardant autour de lui, il se vit sur le bord de la Seine. Comme il avait l’esprit plus alerte que Brancaillon et même que Bruscaille, il comprit.
    – Je viens de l’échapper belle ! murmura-t-il en frissonnant.
    Pendant ce temps, Brancaillon et Bragaille s’incrustaient dans la tête l’étrange explication de Bruscaille : un mort qui ne meurt pas ! Le résultat de leurs pensées fut que Passavant était plus fort que la mort. Leur admiration devint frénétique.
    À peu près rassurés, d’ailleurs, ils s’avancèrent tous les trois et virent Passavant debout, vivant, bien vivant. Il paraît qu’il n’avait pas le temps de s’étonner ou de demander ce qui s’était passé.
    – Adieu, mes braves, dit-il, dès qu’il les eût reconnus. Nous nous reverrons.
    Ils s’étaient inclinés en s’approchant. Quand ils se redressèrent, ils ne le virent plus. Ils rentrèrent donc tout ébaubis à l’hôtel de Bourgogne, et, conduits aussitôt devant Jean sans Peur :
    – Monseigneur, dit Bruscaille, porte-parole attitré, votre capitaine a vu qu’IL était mort, n’est-ce pas, il l’a vu ?
    – Oui. Et je tiens ce que j’ai promis. Le sac d’or est là.
    – Donc, IL est mort… bien mort. Nous l’avons donc porté à la Seine, monseigneur. J’ai attaché la pierre des pieds, et la preuve, c’est qu’elle était lourde. Brancaillon

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