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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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cri :
    – À moi ! À moi !…
    Là… dans cette vaste cour qu’ils traversaient, une ombre venait d’apparaître… un secours possible, un homme qui aurait pitié, peut-être ! Dix pas encore, et il le vit distinctement : il était vêtu de velours noir, il était affreusement maigre, il marchait d’un pas incertain, tantôt trop lent, tantôt précipité, il grognait des choses indistinctes, il avait des sanglots étranges et des éclats de rire à faire frissonner, et ses yeux, dans la nuit, ses yeux immenses jetaient des lueurs d’éclairs…
    – À moi ! À moi ! cria Hardy !… Qui que vous soyez, venez à moi !…
    L’être fantastique, apparition de cauchemar dans les ténèbres, s’arrêta et, d’un accent rauque, tremblant, pareil à une plainte ironique et tragique :
    – Halte ! Qui va là ? Qui m’appelle ?…
    – Le roi ! murmura l’un des geôliers.
    – Le roi fou ! gronda l’autre.
    L’apparition, noire silhouette disloquée, ricanante et gémissante –, le fou, donc, se pencha et dit :
    – Qu’est ceci ?
    – Prisonnier d’État, sire ! dirent les geôliers.
    – À moi ! À moi ! répéta Hardy. Monsieur, êtes-vous gentilhomme ? Écoutez-moi ? Secourez-moi ! Oh ! Il s’en va !… À moi ! À moi !…
    Les deux colosses un instant arrêtés l’entraînaient de nouveau. Le fou, brusquement, sous l’impulsion d’une nouvelle idée, s’était écarté, fantôme qui se perdait déjà au loin dans le gouffre des ténèbres… Il s’en allait à la poursuite de son rêve. Hardy entendit encore un ricanement funèbre, puis une sorte de hululement prolongé – puis ce fut le silence.
    Les geôliers marchaient d’un bon pas. Ils arrivèrent à une sorte de terrain vague, au bout duquel, isolée, triste, pensive, se dressait la tour Huidelonne {8} .
    La Huidelonne – reste, sans doute, de quelque château disparu – était à peu près en ruines. Deux étages, pourtant, étaient encore logeables, – jadis salles d’armes ou salles de fête, maintenant repaires de geôliers.
    Hardy, tout à coup, ne vit plus que les étoiles au-dessus de sa tête : il était dans la tour.
    Il fut soulevé par les deux poignes… il eut vaguement la sensation qu’on le descendait vers il ne savait quelles profondeurs ; tout à coup il se sentit lâché, et tomba sur les genoux, sur un sol fangeux ; en même temps retentit le bruit sonore d’une porte qui se ferme, il perçut des bruits rapides et mous de bêtes mises en déroute, il respira avec difficulté un air méphitique, il eut l’affreuse impression d’un silence de mort dans des ténèbres de tombe, et il s’affaissa évanoui, en murmurant : « Adieu, Roselys, pauvre petite Roselys !… »

VII – DESTINÉES PARALLÈLES
    Avec regret nous quittons un moment Hardy de Passavant ; mais en esquissant en quelques traits brefs la destinée de Roselys d’Ambrun, nous restons dans un plan parallèle à la destinée de ce jeune héros auquel on nous permettra de payer le tribut de notre admiration ; en succombant à la faiblesse, il dit : « Pauvre petite Roselys !… » Charmant instinct de protection. Il eût pu, vraiment, se plaindre soi-même : il plaignit Roselys.
    Que devenait-elle ? En peu de mots, voici :
    Cette femme nommée Gérande qui était apparue dans l’oratoire du logis Passavant avait reçu du scribe de la reine des instructions détaillées.
    Elle monta dans la litière que la reine avait fait aposter au coin de la rue Saint-Martin et fit asseoir près d’elle Roselys. À la porte Saint-Denis, les quatre gardes qui l’escortaient furent remplacés par huit cavaliers de la maison de Bourgogne qui attendaient là depuis deux heures.
    Le scribe avait dit à Gérande : – Il faut que la petite fille disparaisse au loin et si bien que l’idée de revenir à Paris lui soit impossible. Le mieux, c’est qu’elle devienne l’enfant de quelque manant qui devra ignorer d’où elle vient et qui elle est.
    Les moyens étaient laissés à la disposition de Gérande.
    La litière prit la route du nord, passa par Dammartin, et vers midi, atteignit Villers-Cotterets, ville alors bien plus importante que de nos jours.
    À une centaine de toises de la ville, escorte et litière s’arrêtèrent.
    Dans un champ d’avoine, une femme travaillait, près de là.
    Elle vit arriver cette litière escortée par huit cavaliers portant sur la poitrine la croix rouge de Saint-André. Elle

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