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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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puis, revenant sur Saïtano :
    – Cet enfant… il faut, coûte que coûte, le retrouver.
    – Monseigneur, l’enfant est là, dit Saïtano. Celui-là parlera. Tôt ou tard, fût-ce dans vingt ans, vous le verrez se dresser devant vous et crier : « J’ai vu !… » Cela ne me regarde pas, monseigneur. C’est vous seul que cela regarde. Moi, je vous l’amène. Il est là. À vous de le faire taire… Un dernier mot : seuls, les morts ne parlent pas, monseigneur !
    Nevers détacha son escarcelle et la posa sur une table devant Saïtano. Elle était gonflée d’or. Saïtano la repoussa du bout du doigt et murmura :
    – Plus tard, monseigneur, plus tard j’aurai ma récompense. Adieu, monseigneur… à vous revoir !
    Il sortit sans hâte, laissant Nevers étonné, subjugué, en proie à ce sourd malaise que provoque le contact des êtres inexplicables, et se disant :
    – Celui-là est mon ennemi mortel. Pourquoi ?…
    Quelques instants plus tard, le chevalier Hardy de Passavant était devant Jean sans Peur. Et ce fut étrange. Nevers était immobile, la main à la garde du poignard, les yeux fixés sur Hardy. Nevers voulait frapper. Il savait qu’il finirait par frapper. Il fallait que ce fût vite fait. Et il ne frappait pas… Hardy, la gorge serrée d’angoisse, le cœur battant, surveillait cette silhouette à demi perdue dans l’obscurité. Reconnaissait-il l’homme de l’oratoire ?… Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’il reconnaissait un ennemi mortel. Ils ne se disaient rien…
    Tout à coup, Nevers se mit en marche, soufflant de ce souffle fort et rauque des fauves qu’un obstacle contrarie.
    Hardy le regardait venir. Soudain, d’un geste nerveux, il étendit la main vers Nevers, et cria :
    – Vous avez du sang au visage ! Vous avez tué ! Qui avez-vous tué ?…
    Nevers recula en pâlissant. Il avait encore au visage le sang de Laurence. D’un geste machinal, il essuya son front. Et il recula. Il était arrivé à l’extrémité de la salle, près d’une porte. Hardy, demeuré à sa place, le voyait se perdre dans les ombres accumulées là-bas… Tout à coup, il ne le vit plus !…
    Nevers avait franchi la porte…
    Nevers avait trouvé le moyen de tuer l’enfant sans le frapper…
    – On dit, songea-t-il, que les cachots de la tour Huidelonne sont mortels. De quoi meurent les prisonniers d’État qu’on y enferme ? On dit qu’un homme robuste peut à peine y vivre un an… Combien de mois… combien de jours y vivra un enfant ?…
    Demeuré seul, Hardy respira, comme on peut respirer quand on vient de voir la mort.
    – Il faut fuir ! murmura-t-il.
    Il ouvrit la porte par laquelle il était entré ; elle donnait sur une salle – et, là, douze hommes d’armes veillaient. Il referma doucement et courut à la porte par où Nevers était sorti : fermée, verrouillée ! Il bondit à une fenêtre, l’ouvrit, calcula au jugé qu’une trentaine de pieds le séparaient du sol et se mit à tirer sur les rideaux de soie brochée qui ornaient l’embrasure ; les rideaux vinrent en bas et il commença à les déchirer par bandes pour s’en faire une corde…
    Comme il achevait ce travail, il tourna la tête, obéissant à cette impression d’inquiétude du prisonnier qui s’évade, et il demeura frappé de stupeur : les hommes d’armes étaient là qui le regardaient faire en silence et souriaient. Hardy poussa un cri et s’élança à la fenêtre pour sauter : des bras vigoureux le happèrent, l’empoignèrent, et, violemment repoussé, il alla tomber dans un fauteuil où il se tint immobile, farouche et fier, fermant les yeux pour ne pas laisser voir sa terreur.
    Deux hommes entrèrent, deux colosses à barbe et chevelure incultes, coiffés de bonnets rouges à bandes bleues, vêtus de justaucorps lie de vin, de hauts-de-chausse rouges, chaussés de bottes montantes ; ils portaient à la ceinture un large et long couteau à lame nue, du côté gauche, et un trousseau du côté droit : c’était le costume des geôliers de l’Hôtel Saint-Pol.
    Sans dire un mot, ils saisirent Hardy chacun par un bras… Ils traversèrent une cour, puis une autre… Le silence et les ténèbres pesaient de leur double poids sur ce désert mystérieux qu’était l’Hôtel Saint-Pol à cette heure de la nuit…
    Hardy, de ses yeux agrandis, regardait droit devant lui, au loin… Soudain, il se raidit, ses forces réveillées brusquement, et il jeta un grand

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