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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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voir s’il lui conviendrait de la prendre.
    Alors, comme dans un rêve, Roselys vit se former devant elle un grand demi-cercle de petites filles et de garçons ébouriffés, barbouillés, sales, rouges, bouffis, qui lui tiraient la langue, lui faisaient les cornes, la dévisageaient de leurs yeux luisants de méchanceté, avançaient pour la pincer, se sauvaient à toutes jambes dès qu’elle faisait un mouvement, riaient aux éclats, huaient, se bousculaient, criaient : Comment t’appelles-tu, fille de… ? C’était l’avant-garde de la vertu. Le gros du bataillon ne tarda pas à surgir. Elles arrivaient de tous les coins du pays, maudissant l’immoralité du siècle, s’affirmant les unes aux autres que la mère inconnue aurait dû être tirée à quatre chevaux, qu’elle s’était dépêchée de mourir, la gueuse, pour aller retrouver Satan qui, sans le moindre doute, était le père : qu’heureusement la fille serait exorcisée en bonne et due forme. Elles étaient toutes là, les enragées vertueuses, la Joubarbe, la Bicorneau, la Jambes-Tortes, la Tommache, la Nez-Rouge, la Siroude, la Boncœur, et d’autres, elles s’approchaient, tâtaient l’enfant, la retournaient, la soupesaient, ricanaient, prenaient des mines dégoûtées – aucune n’en voulait !
    – Ça n’a ni bras ni jambes, sifflait la Boncœur.
    – Ça doit manger comme quatre et ne rien faire, sifflait la Tommache.
    – Ça a dû être habitué par la mère à fainéanter, sifflait la Nez-Rouge.
    – Ça vous a la peau fine et des doigts en fuseau, sifflait la Bicorneau.
    Toutes les vipères sifflaient et se pâmaient d’aise à s’entendre siffler les unes les autres. L’enfant râlait, s’affaiblissait, devenait pourpre et livide coup sur coup, respirait à peine ; tout à coup, elle s’affaissa, les yeux éteints ; il y eut une huée.
    Une femme, alors, s’avança, et dit : « Je l’adopte !… »
    C’était la paysanne qui avait vu, de son champs, arriver la litière de Gérande, qui avait longuement ruminé et avait fini par se dire : « C’est peut-être la fortune. Qui sait ?… »
    À ce moment, au loin, sur la route, il y eut le sourd roulement d’une pesante troupe de cavalerie au trot ; cela se rapprocha rapidement ; les maisons dégorgèrent d’une foule qui agita les bras et poussa de grands cris : « Orléans ! Orléans ! Vive Orléans !… » Et dans un nuage de poussière, sous la magnificence du soleil, parmi des éclairs de lances, des chocs d’armures, apparut une brillante cavalcade…
    D’abord six trompettes, puis un peloton d’hommes d’armes couverts d’acier, puis un gros de gentilshommes caracolant et faisant flotter au vent leurs manteaux de soie, puis encore un peloton fulgurant d’acier. Au milieu de cette imposante escorte, une litière traînée par quatre chevaux blancs et enveloppée de rideaux de pourpre aux armes de Louis d’Orléans, frère du roi Charles VI.
    Dans cette litière, sur le devant, trois dames d’honneur.
    Sur les coussins du fond, une femme au noble et doux visage, vêtue avec une élégante somptuosité : c’était Valentine de Milan, duchesse d’Orléans, qui s’en revenait de visiter le château que son mari achevait de faire construire à Pierrefonds.
    Elle avait la réputation d’une sainte ; elle l’était, si par sainteté on entend l’exquise noblesse d’une haute intelligence planant au-dessus des basses ambitions, l’adorable bonté d’un cœur qui ne connut jamais la haine.
    Valentine vit cette enfant sous le porche de l’église, entourée par la nichée de vipères, et elle comprit.
    – Une enfant exposée, murmura-t-elle… pauvre petite !…
    Déjà la cavalcade était passée comme une nuée rouge que pousse le vent… Cent pas plus loin, tout s’arrêta brusquement : Valentine avait jeté un ordre. Elle descendit seule, commanda à la litière d’attendre où elle se trouvait, et à toute l’escorte de se porter en avant de Villers-Cotterets, et comme on était habitué à ces attitudes qui ne tenaient nul compte de l’étiquette, on ne s’étonna pas.
    La duchesse d’Orléans s’avança entre une double haie de gens découverts et inclinés, elle arriva jusqu’à l’église, et son premier mouvement fut de se baisser, de prendre dans ses bras la petite Roselys et de la relever en disant :
    – Mais cette enfant se meurt ! Pourquoi ne la secourt-on pas ?…
    – C’est une fille sans

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