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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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en vit descendre Gérande qui, à pied, se dirigea vers la ville traînant par la main une petite fille pauvrement vêtue : cela excita sa curiosité, et, par un sentier de traverse, en toute hâte, elle gagna l’entrée de Villers-Cotterets, pour voir ce qui allait se passer.
    Roselys ne pleurait pas – ne pleurait plus. En passant, cette petite notation : le moment vraiment terrible pour elle fut celui où, dans la litière, Gérande la dépouilla de son élégante et riche parure pour la transformer en une fille de manants. Brutalement saisie et enlevée de sa chambre, Roselys avait eu peur, crié, appelé Hardy à son secours. Lorsqu’on la jeta dans la litière, elle sanglota à l’idée qu’on la séparait de sa mère et du compagnon de son enfance. Lorsqu’elle vit qu’on sortait de Paris et que huit hommes d’armes, la lance au poing, trottaient à ses côtés, la terreur la fit grelotter. Mais jusque-là, somme toute, sa petite âme avait tenu bon. Elle ne comprit l’étendue de son malheur que lorsque Gérande, silencieuse, l’œil froid, la bouche serrée, le front têtu, les mains dures, l’habilla de vêtements propres mais grossiers. Alors elle cessa d’implorer et de sangloter, et elle se tint immobile, raidie, dans un coin de la litière. Puis, peu à peu, d’étranges pensées se levèrent en elle et se mirent à travailler, à tisser les toiles du délire avec leur irrésistible puissance d’activité. Elle imagina qu’elle était à des centaines de lieues de sa mère, et que des années, un temps inappréciable, s’étaient écoulés…
    Alors si Gérande n’avait pas été l’incarnation de l’« insensibilité », si elle se fût penchée sur la petite Roselys, même sans pitié, elle eût pu se demander pourquoi ses mains se glaçaient tandis que son visage s’empourprait, et pourquoi ses yeux agrandis par l’épouvante semblaient si égarés et troubles.
    Lorsqu’on mit pied à terre, Roselys marcha de bonne volonté sans se rendre compte qu’elle marchait ; mais elle tremblait sous l’ardent soleil de juin, et ses dents claquaient.
    Gérande, sans demander son chemin à personne, se dirigea sur le clocher, et entra au presbytère.
    – Messire, dit-elle, je suis de Nanteuil et je vais à Soissons pour y retrouver mon mari. En partant, j’ai emmené avec moi cette fille, dont la mère est morte voici huit jours, et dont je ne puis me charger plus longtemps, vu que la marche la met sur ses fins et que je suis pressée d’arriver.
    Le prêtre jeta les yeux sur Roselys, et dit :
    – Cette enfant est malade de quelque mauvaise fièvre.
    – C’est justement pour cela…
    – Comment s’appelle-t-elle ?
    – C’est une fille sans nom, dit Gérande.
    Le prêtre était vieux, bon chrétien, bon homme, secourable, et déjà se disposait à s’attendrir. Mais à ces mots : « fille sans nom », il se leva, fit un grand signe de croix et, dans la simplicité de ses croyances :
    – Rien d’étonnant, alors, qu’elle ait cette mauvaise fièvre. Il faudra l’exorciser. Ne pourriez-vous pas la conduire plus loin, jusqu’au premier bourg ?… Une fille sans nom !
    – Impossible ! messire. Elle ne peut plus marcher.
    Le bon vieux hésita, marmotta une courte prière, puis, comme c’était son devoir et son office :
    – Eh bien, je vais donc la faire crier et exposer sous le porche de l’église. Si Dieu a pitié d’elle et que quelque bonne âme la veuille adopter, je la baptiserai, l’exorciserai et ferai l’acte d’adoption. Allez, ma digne femme, et que le Seigneur vous garde des larrons qui infestent la forêt !
    Gérande s’inclina sous la bénédiction du vieillard ; puis, munie de ce viatique, s’en alla sans jeter un coup d’œil à Roselys. Bientôt, elle eut rejoint la litière, et, avec l’escorte, reprit le chemin de Paris.
    Roselys fut conduite sous le porche de l’église et y demeura, sous la surveillance du bedeau, homme d’une grande piété qui eût cru manquer à son devoir en ne l’accablant pas d’injures.
    Roselys ne comprenait pas, n’entendait pas, sans doute ; elle grelottait, voilà tout ; et le bedeau put, tout à son aise, décharger sa conscience.
    Roselys fut criée.
    C’est-à-dire que, par la ville, le crieur public fit savoir à tous qu’une enfant sans nom dont la mère était morte se trouvait exposée sous la garde de Dieu à l’entrée de sa maison, afin que chacun la pût venir examiner et

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