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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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contemple ces pauvres ambitions ruées à la conquête d’un peu d’or ou de puissance.
    Au palais de la reine, la grande galerie, la salle de Theseus, la salle de Mathebrune regorgent d’élégants et d’élégantes. Là, ce sont des œillades, des sourires, des déclarations murmurées en termes tels que, pour les traduire, il nous faudrait en appeler au latin.
    Soudain, dans la galerie, un reflux. On s’écarte, on s’incline, on fait place à celui pour qui, depuis huit jours qu’il est à Paris, la reine n’a eu que des sourires, l’homme que, sûrement, elle a distingué entre tous… le fils du duc de Bourgogne, le jeune comte de Nevers.
    Pâle de sa terrible nuit, pâle de ses résolutions, Jean sans Peur s’avance à travers les groupes, laissant derrière lui un long sillage d’admiration et d’envie. La reine le voit venir et lui tend la main. Il met un genou sur les tapis pour baiser cette main, et, en s’inclinant, dans un souffle, il prononce :
    – J’accepte !…
    – Eh bien, partez ! murmura la reine, et songez à ce qui vous attend au retour !…
    Jean sans Peur se relève. C’est fait. Charles VI est condamné. Condamné Philippe de Bourgogne. Condamnée Marguerite de Hainaut.
    Le jour même, après un entretien avec son père, Jean sans Peur, à la grande joie de quelques-uns, à l’étonnement de tous, quitta Paris. Les uns soutinrent que la reine l’avait subitement disgracié. D’autres affirmèrent que les bourgeois de Dijon profitaient de l’absence de leur duc et du comte de Nevers pour se mutiner et refuser l’impôt, comme avaient fait ceux de Paris treize ans avant, au temps des Maillotins.
    Quant à la reine, interrogée par ses favoris sur ce qu’elle pense de ce départ précipité qui ressemble à de l’ingratitude, elle s’est contentée de répondre d’un accent étrange :
    – Tenez-vous en repos et soyez sûrs que vous reverrez Nevers à la cour de France…
    Jean sans Peur, donc, escorté de soixante gentilshommes bien armés et de leurs suites, prit la route de Dijon et la parcourut à marches forcées. Mais, si vite qu’il allât, un autre allait plus vite. Celui-là voyageait seul, sans escorte.
    À cinq ou six reprises, soit à l’aube, à l’heure indécise où le contour des objets ne se dessine pas encore, soit au crépuscule lorsque l’ombre du soir jette le même manteau sur les êtres qui passent, sur les arbres qui s’agitent et sur les rochers solitaires assis au bord du chemin, Nevers crut voir au loin devant lui un haut cavalier au maigre profil trottant sur un grand cheval décharné…
    Mais à chaque fois, quand il regardait avec plus d’attention, il s’apercevait que ce qu’il avait pris pour la maigre silhouette d’un cavalier n’était qu’une illusion créée par quelque accident de terrain, par un buisson, par quelques grosses pierres entassées…
    Il arriva à Dijon. Les cloches sonnèrent. Les échevins lui lurent un discours. Et il se rendit au palais ducal où il y eut grand banquet pour fêter son retour. Sa femme, Marguerite de Hainaut, ne parut pas à ce banquet. Le soir venu, Jean sans Peur se retira dans sa chambre où il s’entretint joyeusement avec plusieurs de ses gentilshommes, causant chasses et guerres. Vers onze heures, il se trouva seul, et retomba alors dans sa méditation. Il murmurait :
    – Je suis ici pour tuer Marguerite. Comment ?…
    À ce moment, la porte de sa chambre s’ouvrit, et une femme parut. Elle était grande, brune, forte, avec une bouche sévère et des yeux fiers. Nevers se redressa tout d’une pièce, le cœur à la gorge : c’était Marguerite de Hainaut ! Elle s’avança jusqu’à son mari, lui mit une main sur l’épaule, et, d’une voix qui lui fit chanceler comme un souffle de tempête fait trembler les feuilles, elle prononça nettement :
    – Eh bien ! Jean de Bourgogne, puisque vous êtes venu ici pour tuer votre femme, tuez-la !…
    Quelques secondes, Jean sans Peur et Marguerite de Hainaut demeurèrent silencieux, visage contre visage, l’homme livide et frissonnant de ce qu’il venait d’entendre, la femme souverainement calme, dédaigneuse et triste.
    – Que signifie ? bégaya enfin Nevers. Quelles effroyables paroles venez-vous de prononcer ?
    Marguerite, toute droite, reprit alors :
    – Comment comptez-vous me tuer ? Par le fer ? Par le poison ? Emploierez-vous successivement l’un et l’autre comme pour Laurence d’Ambrun

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