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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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Il était sombre.
    – Ainsi, dit-il, vous me pardonnez, Marguerite ? Pouvant m’anéantir, vous tâchez à me relever et me tendez la main ?
    – Je ne pardonne pas, j’efface, dit-elle. Si c’est un crime que de sauver le mari que Dieu m’a donné, puisse ce crime retomber sur moi-même !
    – Marguerite ! haleta Jean sans Peur.
    – Ambition ! murmura-t-elle. Vous voulez de l’honneur, de la puissance. Le chemin que je vous montre vous y conduira sûrement. Écoutez…
    – Parlez ! oh ! parlez-moi encore ! Sauvez-moi ! Dites-moi ce qu’il faut faire !…
    – Eh bien, vous parliez de pardon. Oui. Il faut un pardon. Mais c’est à Dieu qu’il faut le demander. Une croisade se prépare {9} , Jean de Bourgogne, si vous le voulez, je me fais forte d’obtenir pour vous le commandement suprême des armées chrétiennes. C’est là, Nevers, c’est dans les plaines où le Christ a souffert, c’est autour de son tombeau que s’acquiert la gloire qui peut ensuite permettre à une ambition de tout espérer, de tout oser ! Celui qui revient vainqueur des fabuleuses contrées orientales est plus que roi. Et alors… si par la volonté de Dieu et non celle des hommes, un trône se trouve vacant… alors, si le roi de France affaibli, usé, tué par le mal qui le ronge… ah ! comprenez donc enfin qu’il faut à l’ambition les voies larges du triomphe à ciel ouvert et non les chemins tortueux du crime dans les ténèbres !…
    C’était d’une profonde et belle politique. Jean sans Peur, étonné, transporté, s’inclina avec un religieux respect devant la femme qu’il était venu assassiner, et murmura :
    – Duc, prince ou roi, je m’unis à vous pour la vie, et vous bénis de m’avoir sauvé de moi-même. Demandez, obtenez pour moi le commandement de la croisade : je suis prêt à partir !
    Ce fut chez Jean sans Peur une minute de sincérité sous un coup de terreur. On verra plus tard ce que devint cette sincérité. Ce qu’il faut dire dès maintenant, c’est que, pendant deux mois, Marguerite de Hainaut le tint dans sa main… À regret, peut-être, le comte de Nevers accepta toutes les conditions qu’elle lui imposa, et, en fin de compte, accepta le commandement de la croisade contre le sultan Bajazet.
    Le lendemain soir de l’épisode que nous venons de conter, un cavalier sortit de Dijon. Il montait un grand cheval qui, malgré sa maigreur, semblait plein de feu. Lui-même, tout en hauteur, était si maigre que sous son manteau noir on l’eût pris pour la Mort chevauchant dans la nuit. Si Nevers l’avait su, sans doute il eût reconnu ce cavalier fantôme qu’à diverses reprises il avait cru voir devant lui en venant à Dijon…
    Au bout de deux mois, disons-nous, Jean sans Peur partit pour aller achever les préparatifs de la croisade… Nous le retrouverons bientôt.

IX – LAURENCE ET ROSELYS
    Le jour même où le comte de Nevers quitta Dijon, une autre scène se passait à Paris au logis Passavant.
    C’était un matin. Laurence d’Ambrun souleva ses paupières alourdies. Des yeux, lentement, elle fit le tour de la chambre, et l’un après l’autre, elle reconnut les objets qui faisaient partie de son existence, et elle se dit : Je suis dans ma chambre… Alors le souvenir des habitudes journalières se leva en elle, confus et lointain ; ce n’étaient encore que des gestes reproduits par un miroir terni ; cela s’affirma bientôt, et elle se dit : Il faut que je m’habille pour aller à l’Hôtel Saint-Pol… Alors commença l’évocation plus profonde des sentiments qui composaient la vie de son âme ; ils sortirent des limbes, vaguant au hasard dans son esprit, puis s’agrégèrent comme des molécules de par la mystérieuse loi d’attraction, et, jetant un coup d’œil nonchalant sur le petit lit de Roselys placé vis-à-vis du sien, elle dit : Elle n’est pas éveillée encore, sans quoi la petite folle serait déjà ici à me piétiner, à me damner…
    Elle se souleva pour apercevoir sa fille et retomba aussitôt ; un cri de souffrance aiguë lui échappa ; elle porta la main au point où s’était produite cette souffrance et constata qu’elle avait la poitrine enveloppée de bandages… Dans le même instant, la mémoire fit irruption, comme les eaux d’une écluse qu’on ouvre… Le coup de poignard, l’horrible scène, la coupe empoisonnée, toute la terrible vision s’érigea… Elle cria :
    – Roselys !

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